« … je ne lâcherai pas pied ».

ÉLISABETH.
Ça va faire huit mois que j’ai été renvoyée … j’ai dû abandonner ma chambre et mettre ma broche au clou … j’ai habité chez une copine avec laquelle je ne m’entendais pas, mais je n’ai pas lâché pied.
J’ai couru partout et on m’a dit que ça s’améliorait et qu’il y aurait à nouveau du travail sans qu’on bouleverse et qu’on bousille tout. Il n’y a pas eu de travail et on n’a rien bousillé, mais je n’ai pas lâché pied.
Les gens se sont calmés et se sont tus, il y en a qu’on a mis en prison… et Kathy a commencé à fréquenter. .. En voyant le nombre de demandeurs d’emploi dans le journal, j’ai eu un choc, mais je n’ai pas lâché pied.
Le journal a parlé de la grande misère de la population et les ministres ont dit que l’État était un État social et qu’il fallait que ça change. Que ça minait la morale, [et que c’était la volonté de Dieu] et ce genre de chose. Moi j’ai vu combien il était difficile de supporter les autres. Mais je n’ai pas lâché pied.
Partout on exploitait et on escroquait, ceux qui n’ont rien, bien sûr. Alors j’ai dit à l’État: « Écoute, État, je suis une citoyenne ». Mais l’État, lui, n’a rien dit.
À présent, je pourrais avoir un travail, mais pour l’avoir il me faut de l’argent. En fait, je suis représentante … J’ai besoin d’une caution de cent cinquante marks. Mais je ne lâcherai pas pied ! J’ai foi en la chance qui un jour devra me sourire … la seule foi qui me soit restée. La foi déplace les montagnes, je ne lâcherai pas pied.
Avec mes derniers sous, je me suis payé des cosmétiques, pour trouver du travail plus facilement.
Ödön von Horváth
Foi Amour Espérance
Une petite danse de mort en cinq tableaux
Variantes

Traduction de Henri Christophe
Ödön von Horváth Théâtre complet tome 4
L’Arche Editeur
Le texte ci-dessus est extrait d’un matériau élaboré par Horváth au début des années 1930 à partir de témoignages recueillis par un chroniqueur judiciaire. Il ne figure pas en tant que tel dans la pièce, seules quelques phrases se trouvent éparpillées dans la version remise à l’éditeur, dans laquelle l’auteur a procédé à des coupes sévères. Le monologue peut donc se lire hors de son contexte et reste pleinement ouvert aux interprétations.
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