Ouverture du film de Wim Wenders Der Himmel über Berlin (Les Ailes du désir), 1987, sur un poème de Peter Handke à qui vient d’être attribué le Prix Nobel de littérature 2019.
Lied vom Kindsein – Peter Handke
Als das Kind Kind war,
ging es mit hängenden Armen,
wollte der Bach sei ein Fluß,
der Fluß sei ein Strom,
und diese Pfütze das Meer.
Als das Kind Kind war,
wußte es nicht, daß es Kind war,
alles war ihm beseelt,
und alle Seelen waren eins.
Chanson de l’enfance – Peter Handke
Lorsque l’enfant était enfant,
il marchait les bras ballants,
il voulait que le ruisseau soit une rivière.
Et la rivière, un fleuve.
Que cette flaque soit la mer.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant.
Tout pour lui avait une âme
et toutes les âmes n’en faisaient qu’ une.
Als das Kind Kind war,
hatte es von nichts eine Meinung,
hatte keine Gewohnheit,
saß oft im Schneidersitz,
lief aus dem Stand,
hatte einen Wirbel im Haar
und machte kein Gesicht beim fotografieren.
Als das Kind Kind war,
war es die Zeit der folgenden Fragen:
Warum bin ich ich und warum nicht du?
Warum bin ich hier und warum nicht dort?
Wann begann die Zeit und wo endet der Raum?
Ist das Leben unter der Sonne nicht bloß ein Traum?
Ist was ich sehe und höre und rieche
nicht bloß der Schein einer Welt vor der Welt?
Gibt es tatsächlich das Böse und Leute,
die wirklich die Bösen sind?
Wie kann es sein, daß ich, der ich bin,
bevor ich wurde, nicht war,
und daß einmal ich, der ich bin,
nicht mehr der ich bin, sein werde?
Lorsque l’enfant était enfant,
il n’avait d’opinion sur rien,
il n’avait pas d’habitude.
Il s’asseyait souvent en tailleur,
et partait en courant,
avait une mèche rebelle,
et ne faisait pas des mines quand on le photographiait.
Lorsque l’enfant était enfant, vint le temps des questions comme celles-ci :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi ne suis-je pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est-elle rien d’autre qu’un rêve ?
Ce que je vois, ce que j’entend et sens, n’est-ce pas…simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi… qui suis moi, je ne serai plus ce moi que je suis ?
Als das Kind Kind war,
würgte es am Spinat, an den Erbsen, am Milchreis,
und am gedünsteten Blumenkohl.
und ißt jetzt das alles und nicht nur zur Not.
Als das Kind Kind war,
erwachte es einmal in einem fremden Bett
und jetzt immer wieder,
erschienen ihm viele Menschen schön
und jetzt nur noch im Glücksfall,
stellte es sich klar ein Paradies vor
und kann es jetzt höchstens ahnen,
konnte es sich Nichts nicht denken
und schaudert heute davor.
Als das Kind Kind war,
spielte es mit Begeisterung
und jetzt, so ganz bei der Sache wie damals, nur noch,
wenn diese Sache seine Arbeit ist.
Lorsque l’enfant était enfant,
il avait du mal à ingurgiter les épinards, les petits pois, le riz au lait
et le chou-fleur bouilli.
Et maintenant, il mange tout cela et pas seulement par nécessité.
Lorsque l’enfant était enfant, il se réveilla un jour dans un lit qui n’était pas le sien.
Et maintenant cela lui arrive souvent.
Beaucoup de gens lui paraissaient beaux,
et maintenant avec beaucoup de chance quelques-uns.
Il se faisait une image précise du paradis et maintenant c’est tout juste s’il l’entrevoit.
Il ne pouvait imaginer le néant,
et maintenant il en tremble de peur.
Lorsque l’enfant était enfant
Le jeu était sa grande affaire
et maintenant il s’affaire comme naguère mais seulement lorsqu’il s’agit de son travail.
Als das Kind Kind war,
genügten ihm als Nahrung Apfel, Brot,
und so ist es immer noch.
Als das Kind Kind war,
fielen ihm die Beeren wie nur Beeren in die Hand
und jetzt immer noch,
machten ihm die frischen Walnüsse eine rauhe Zunge
und jetzt immer noch,
hatte es auf jedem Berg
die Sehnsucht nach dem immer höheren Berg,
und in jeden Stadt
die Sehnsucht nach der noch größeren Stadt,
und das ist immer noch so,
griff im Wipfel eines Baums nach dem Kirschen in einem Hochgefühl
wie auch heute noch,
eine Scheu vor jedem Fremden
und hat sie immer noch,
wartete es auf den ersten Schnee,
und wartet so immer noch.
Lorsque l’enfant était enfant,
les pommes et le pain suffisaient à le nourrir.
Et il en est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant,
les baies tombaient dans sa main comme seules tombent les baies,
et c’est toujours ainsi.
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
et c’est toujours ainsi.
Sur chaque montagne, il avait le désir d’une montagne encore plus haute,
et dans chaque ville, le désir d’une ville plus grande encore.
Et il en est toujours ainsi.
Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises, avec la même volupté qu’aujourd’hui.
Il était intimidé par les inconnus et il l’est toujours.
Il attendait la première neige et il l’attendra toujours.
Als das Kind Kind war,
warf es einen Stock als Lanze gegen den Baum,
und sie zittert da heute noch.
Lorsque l’enfant était enfant il a lancé un bâton contre un arbre, comme un javelot.
Et il y vibre toujours.
Merci beaucoup pour ce partage qui m’a permis de retrouver ce poème en un clin d’œil grâce à un moteur de recherche… Un texte magnifique.