Émouvant extrait de Marias Miroloi (la complainte de Maria) avec la voix de Maria Labri, que l’on voit sur l’image, une survivante du massacre de Kommeno, en Grèce. Aux percussions, le musicien de jazz allemand Günter « Baby » Sommer qui signe cette composition qui fait partie du très beau CD dédié aux victimes et aux habitants de Kommeno. Maria Labri y raconte l’histoire du prêtre qui est allé à la rencontre des soldats allemands pour tenter de les dissuader de mettre à exécution leurs intentions meurtrières. Il sera tué sur le champ.
Le 16 août 1943, 317 habitants (172 femmes et 145 hommes dont 97 de moins de 15 ans et 13 bébé) ont été massacrés par une compagnie de la Wehrmacht à Kommeno, dans l’Epire au Nord Ouest de la Grèce sous le prétexte que des partisans avaient rassemblé des vivres dans le village.
Cette histoire, Günter « Baby » Sommer ne la connaissait pas quand il est arrivé pour la première fois à Kommeno, en 2008, pour participer au Festival de percussions organisé par le batteur grec Nikos Touliatos.
Inquiet de voir les commémorations finir par tourner à vide, le maire, Christos Kosmas, avait en effet décidé de les ouvrir à une dimension culturelle.
Arrivé sur place, Sommer découvre et se fait raconter cette histoire. On lui remet un livre de Hermann Frank Meyer qui a enquêté sur les traces sanglantes de 1ère Division de Montagne et du XXII Corps d’Armée de Montagne, son père ayant été Trésorier de l’Armée allemande en Grèce et exécuté par les partisans.
Le musicien allemand passe la nuit à lire le livre et, le lendemain, il dédie son concert aux habitants et créée en hommage aux enfants massacrés un morceau qu’il joue au carillon tubulaire soulevant dans son auditoire une vaste émotion.
Et ce sera le point de départ d’échanges qui aboutiront quatre ans plus tard au CD dont nous parlons. Günter « Baby » Sommer s’est associé à des musiciens grecs pour ces huit Chants pour Kommeno enregistrés à Berlin entre mars 2011 et avril 2012.
Un livret de 150 pages en allemand, grec et anglais accompagne le CD. Dans un entretien, celui qui, né la même année 1943, fut l’un des musiciens de jazz les plus réputés de la RDA avec Ulrich Gumpert, rappelle que lors de ses concerts à l’époque dans les pays de l’Est et les Balkans qui avaient été occupés par l’Armée allemande il n’avait jamais été confronté à une telle expérience :
« Comparé à l’expérience que j’ai faite en Grèce, celles que j’ai faites en Europe de l’Est étaient moins marquées par les événements de la seconde guerre mondiale parce qu’il y a eu dans l’ensemble du bloc de l’Est socialiste un refoulement collectif de la guerre. Je n’ai pas souvenir d’une situation où auraient été évoqués les crimes nazis. Nous étions un seul peuple frère socialiste. La responsabilité pour les crimes nazis a été officiellement déléguée à la République fédérale d’Allemagne par le bloc de l’Est. Je crois que nous en avons tous subis un préjudice ».
Günter « Baby » SOMMER avec des musiciens grecs Savina Yannatou (chant), Floros Evgenios Voulgaris (tanbur, oud), Spilios Kastanis (contrebasse) : « Songs for Kommeno » – Intakt CD 190 – distribution Orkhêstra
Pour compléter ces références, je signale un commentaire du site Culturejazz dont j’extrais le passage suivant :
« On aimerait que les oreilles françaises, souvent étriquées, sinon un tantinet xénophobes, s’ouvrent un peu plus à l’extérieur, elles y découvriraient des richesses qu’elles ne soupçonnent pas. Cela aussi c’est écouter et reconnaître l’Autre. Un organisateur ou un festival s’honorerait en mettant à son programme ces « Songs for Kommeno« . »