En librairie, à partir d’aujourd’hui, le dernier roman d’Ingo Schulze : Die rechtschaffenen Mörder. Je vous en propose une lecture sachant bien que d’autres sont possibles, ce qui fait d’ailleurs la qualité du roman.
Le roman commence ainsi :
„Im Dresdner Stadtteil Blasewitz lebte einst ein Antiquar, der wegen seiner Bücher, seiner Kenntnisse und seiner geringen Neigung, sich von den Erwartungen seiner Zeit beeindrucken zu lassen, einen unvergleichlichen Ruf genoss. Nicht nur Einheimische suchten ihn auf, nicht allein in Leipzig, Berlin oder Jena wurde seine Adresse eifersüchtig gehütet, sogar von den Ostseeinseln Rügen und Usedom reisten Lesehungrige an. Sie nahmen stundenlange Zug- oder Autofahrten in Kauf, schliefen auf Luftmatratzen bei Freunden oder ertrugen billige Quartiere, nur um am folgenden Tag Punkt zehn ihre Entdeckungsreise zu beginnen, die, unterbrochen von einer zweistündigen Mittagspause, bis achtzehn Uhr währte, mitunter aber auch bis in die Nacht. Auf Leitern erklommen sie die Höhen der obersten Regalreihen, lasen auf den Sprossen ganze Kapitel, bevor sie wieder hinabstiegen, um auf Knien, als horchten sie das Linoleum ab, die Buchrücken im untersten Fach zu inspizieren. Gerade in den extremen Zonen vermuteten die Suchenden jene Werke, die ihnen zum Mittelpunkt der Welt werden könnten“.
(Ingo Schulze : Die rechtschaffenen Mörder. S. Fischer Verlag Frankfurt 2020. S. 9 )
« A Dresde, dans le quartier de Blasewitz, vivait jadis un libraire de livres anciens et rares qui en raison de ses ouvrages, de ses connaissances et de son peu d’inclination à se laisser impressionner par les attentes de son époque, jouissait d’une incomparable réputation. Ce n’étaient pas uniquement les gens du coin qui se rendaient chez lui. Non seulement on gardait jalousement son adresse à Leipzig, Berlin ou Iéna, mais des affamés de lecture accouraient même des îles de la mer Baltique, Rügen et Usedom. Ils supportaient plusieurs heures de trajets en train ou en voiture, dormaient chez des amis sur des matelas pneumatiques ou acceptaient un hébergement bon marché rien que pour entamer le lendemain, à dix heures pile, leur voyage de découverte, interrompu par une pause de deux heures à midi, se prolongeant jusqu’à dix-huit heures, et même, parfois, jusque tard dans la nuit. Ils atteignaient sur des échelles les plus hautes étagères, lisaient des chapitres entiers juchés sur les barreaux avant de redescendre pour inspecter, à genoux, comme s’ils auscultaient le linoleum, le dos des livres du rayon le plus bas. C’est précisément dans ces zones extrêmes que les fureteurs flairaient la présence de ces œuvres qui pourraient devenir pour eux le centre du monde ».
(Ingo Schulze : De braves et honnêtes meurtriers. Librairie Arthème Fayrad. 2023. Trad. Alain Lance et Renate Lance-Otterbein. P. 13)
Cela paraît commencer comme dans un conte. Chez E.T.A Hoffmann, par exemple, on trouve, dans les Contes des frères Sérapion, un personnage proche de celui du roman. Il y est dit qu’il lisait « tout ce qui lui tombait sous la main, à condition que ce fussent d’anciens livres ; il avait horreur des nouveaux ». Mais avant même ce début de roman, il est utile de prendre en compte, en oubliant la quatrième de couverture, cet avertissement en exergue :
« Qui donc peut deviner la fin d’un livre quand il le commence ? »
(Vilém Flusser, L’histoire du diable)
C’est particulièrement vrai pour le livre qui nous occupe ici.
Norbert Paulini – c’est le nom du personnage dont nous lirons un portrait – est né en juin 1953, en Allemagne de l’Est (ex RDA donc). Il a grandi dans et sur les livres anciens. Toute une librairie, héritage de sa mère, elle même libraire de livres anciens et morte peu après sa naissance, lui a servi de sommier. Il ne rêve de rien d’autre que de devenir lecteur. Passer sa vie à lire. Lire mais quoi ? Le nouveau ou l’ancien ? Et est-ce un métier ?
« La plupart des lecteurs confondent dans un délire enfantin les livres et les œufs et croient qu’il faut toujours les consommer quand ils sont frais.[…] Ils devraient plutôt s’en tenir aux réalisations des rares élus et appelés de tous les temps et de tous les peuples » (p.39).
Au cours de son service militaire, il devient bibliothécaire du régiment. Un jour un soldat y pénètre et y trouve à sa grande surprise des ouvrages de Witold Gombrowicz et de Franz Kafka. Apprenant que N. Paulini avait entrepris de lire tout Balzac, il s’écrie : « lire Balzac quand on peut lire Kafka, c’est quand même un peu décadent ». Ou le signe d’une « cuculisation du monde ». Cela situe un personnage encore loin du 20ème siècle, sans même parler du 21ème. Après l’apprentissage du métier de libraire dans une librairie de livres anciens, un héritage de son grand-père lui permet d’ouvrir sa propre librairie avec le fonds de sa mère. Nous sommes en 1977. Mais, dilemme : un libraire ça vend des livres ce n’est pas fait pour uniquement les lire et les garder.
« Lui, le lecteur, se demandait s’il avait vraiment choisi le bon métier. Succombait-il au syndrome de Cardillac ? Ne ressentait-il pas comme ce dernier l’énorme scandale de devoir vendre quelque chose alors que non seulement tout en lui s’opposait à cette séparation, mais que cela portait atteinte à son instinct de conservation ? Même sans être artiste ou orfèvre, on pouvait fort bien éprouver cette envie d’assassiner ses clients ». (p.63).
L’auteur fait référence ici à une nouvelle d’E.T.A. Hoffmann dans laquelle Cardillac, orfèvre de génie à la cour de Louis XIV, a tant de mal à se séparer de ses œuvres qu’il poursuit ses clients.
Conservateur, son amour des livres tend à l’éloigner des réalités du monde. Discrètement à petits pas, on entre-lit un je de narrateur qui se développera plus tard.
Peu à peu la librairie, autour des années 1980, gagne en prestige et devient aussi un salon de lecture rassemblant une trentaine de personnes. Il prendra le nom de « salon du Prince Vogelfrei », en référence aux poèmes du Gai savoir de Friedrich Nietzsche. Paulini épouse Viola, une « rouge », (membre du Parti communiste est-allemand), coiffeuse de son état. Une lectrice assidue, elle aussi, mais de journaux au grand dam de son mari, selon qui il n’y a rien à apprendre dans la presse. Un jour, Norbert Paulini annonça « qu’il ne consacrerait désormais ses lectures qu’à de la littérature germanophone afin de conserver la pureté de sa langue ». Phantasme de la pureté de la langue que selon lui les traductions feraient « tanguer ». Exit Shakespeare, Cervantès, Molière, Tolstoï, Dostoïevski et Tchekhov ainsi que toute la bibliothèque de l’Antiquité. Il continue de les vendre mais ne les lit plus.
En 1989, c’est la « chute » du mur. Il est en retrait des évènements qui secouent la RDA cette année-là où naît un fils. Les habitués commencent à venir moins souvent. Dans un sondage du quotidien local, il est présenté comme « l’une des dix personnes » ayant été sous le régime est-allemand « droites dans leurs bottes » parmi les commerçants de Dresde. Droit dans ses bottes, peut-être, mais dans de vieilles bottes. Il n’en va pas de même pour son épouse qui doit faire face au refus de clientes de se faire coiffer par une« rouge ». Norbert découvre par ailleurs qu’elle avait travaillé pour la Stasi, les services de renseignements est-allemands.(p.96)
Si la réunification allemande ne lui inspire pas grand-chose, elle n’est pas sans conséquence pour lui. La Caisse d’épargne ne lui accorde plus de crédit. Lors d’une visite à sa belle-mère, celle-ci le mène devant une décharge de livres, en partie tout neufs, jetés par camions entiers et notamment « tout un chargement de la ‘Bibliothèque des classiques’ éditée en RDA, reliure toile, avec notes et commentaires, cinq marks le livre ».(p.138-139).
Cet épisode m’a rappelé ce que m’avait raconté Elmar Faber ancien éditeur dans la prestigieuse maison d’éditions de RDA, Aufbau Verlag, lors d’un reportage que j’avais réalisé pour le Monde diplomatique en 2009 : « Les livres des meilleurs auteurs de RDA mais aussi des éditions de Heinrich Mann, Leon Feuchtwanger, Arnold Zweig, Anna Seghers, des tonnes de livres sont allés à la décharge. Il fallait faire de la place dans les rayonnages pour les livres de cuisine, les livres de conseils en tous genres et les guides touristiques ».
Retour au roman. Tous les trésors livresques que Paulini avait rassemblés ainsi que les savoirs qu’il avait accumulés sur les livres anciens sont dévalorisés par l’installation accélérée de l’économie et la société de marché dans l’ex-Allemagne de l’est. Il est désormais insolvable. Et divorcé. Puis expulsé de la villa qu’il occupait avec sa librairie et qui est réclamée par leurs anciens propriétaires passés à l’ouest et revenus, après la réunification, récupérer leur ancien bien pour, finalement, le laisser à l’abandon.
« La communiste l’avait trahie. Et l’Ouest lui avait dérobé sa demeure pour les livres et sa famille, croyant ainsi faire expier l’injustice commise par les communistes. Mais n’étaient-ce pas au fond les mêmes qui étaient restés en haut, déjà-là auparavant ? […] de même qu’il avait toujours ignoré l’État auparavant et mené l’existence d’un dissident, il était à présent un vrai dissident. Sauf que l’Ouest punissait par d’autres moyens l’entêtement et l’indépendance » (p.166-167)
Un dissident aux allures de servant de messe ou de concierge de musée qui se vit comme gardien d’une tradition bourgeoise lettrée. D’un autre côté, il n’était pas motivé par l’argent n’hésitant pas à faire cadeau d’un livre à un client intéressé qui ne pouvait se le payer. Paulini a l’air sans âge et croit vivre à l’abri du temps, derrière ses livres anciens.
Il trouve un boulot dans un supermarché. Il tient sept semaines comme caissier. Portier de nuit dans une pension, voilà qui lui permet de lire et de se rester fidèle à lui-même à travers ses livres désormais stockés dans une ancienne grange. Il faudra très vite la déménager lorsque le niveau de l’Elbe montera dangereusement. La crue de l’Elbe a eut lieu en août 2002.
„Es hätte ihm weniger ausgemacht, wenn die Bücher verbrannt wären. Aber keine zweihundert Meter entfernt zu stehen und zu wissen , dass keine Macht der Welt in der Lage war, die Drecksflut davon abzuhalten, in seine Bibliothek einzudringen, Fach um Fach hinaufzusteigen, bis sie die Bücher Reihe um Reihe besudelte, das war unmenschlich, das war Folter. Nur die obersten waren verschont geblieben. Die anderen waren im Wasser und Schlamm versunken und erstickt.<
Am liebsten hätte er eine Planierraupe geschickt, wenn da nicht die Regale gewesen wären. An den Regalen entschied sich die seine Zukunft als Antiquar. Sie hatten standgehalten, sie waren aufrecht stehen geblieben dank der Verankerung an der Wand. Drei Tage hatten sie Wasser und Schlamm getrotzt. Jetzt waren sie entstellte Wesen. Wenn er sie aber schnell und sachgerecht behandelte, behielten sie ihren Gebrauchswert. Er würde allein mit ihnen sein. Er brauchte keine Besucher mehr, keine Verkaufsräume, keine Registrierkasse – ausgerechnet die und der Ledersessel waren gerettet worden -, keine Öffnungszeiten. Es gab das Internet. Er musste nur Rechnungen schreiben, das war alles“.
(Ingo Schulze : Die rechtschaffenen Mörder. S. Fischer Verlag Frankfurt 2020. S. 180-181)
« Si les livres avaient été brûlés, il l’aurait mieux supporté. Mais se trouver à même pas deux cents mètres et savoir qu’aucun pouvoir au monde n’était en mesure d’empêcher le flot de boue de s’engouffrer dans sa bibliothèque, de monter dans chaque rayon jusqu’à souiller les livres une rangée après l’autre, c’était inhumain, c’était une torture. Seuls les rayons supérieurs avaient été épargnés. Les autres étaient plongés et noyés dans l’eau et la boue.
Il aurait préféré envoyer un bulldozer, s’il n’y avait pas eu les rayonnages. C’étaient eux qui décidaient de son avenir comme libraire d’ancien. Ils avaient résisté, étaient resté debout grâce à leur fixation au mur. Trois jours durant, ils avaient défié l’eau et la boue. Ils étaient à présent des êtres défigurés. Mais s’il les traitait rapidement de façon appropriée, ils conserveraient leur valeur d’usage. Il serait seul avec eux. Il n’avait plus besoin de clients, d’espace de vente, de caisse enregistreuse – et c’était justement elle et le fauteuil en cuir, qui avaient été sauvés – ou d’horaires d’ouverture. Il y avait Internet. Il lui fallait seulement l’autorisation d’écrire des factures, rien de plus .»
(Ingo Schulze : De braves et honnêtes meurtriers. Librairie Arthème Fayrad. 2023. Trad. Alain Lance et Renate Lance-Otterbein. P. 177-178)
Un tournant dans sa vie. Son monde, s’il ne disparaît pas complètement, est fortement endommagé. Il s’installe avec les livres sauvés et son ordinateur dans une ferme désaffectée en Suisse saxonne. Où, un jour, il reçoit la visite de la police qui l’interroge sur son fils de 23 ans. Où était-il le 20 avril ? On l’aurait vu, le jour anniversaire de Hitler, à moto, avec un casque de la Wehrmacht et un T-shirt orné d’une tête de mort. Paulini assure qu’il y a erreur. Puis, prenant le masque d’Old Shatterhand, personnage des romans d’aventure de Karl May, il se met à tenir un discours d’extrême droite. Il n’a rien contre les étrangers mais…- ce mais typique du populisme d’extrême-droite – mais, pas ceux qui sont avides d’aide sociale et veulent transformer les anciennes cheminées en minarets. Et d’ailleurs – autre marqueur – il emploie un réfugié bosniaque.
Et la première partie du roman s’interrompt abruptement sur une phrase inachevée. Panne sèche ? Nous apprendrons plus tard qu’elle est due non seulement au fait que l’écriture révèle soudain la face sombre du personnage mais à la forme traditionnelle et linéaire de récit adoptée et à ses manques.
« Qui donc peut deviner la fin d’un livre quand il commence ? »
(Vilém Flusser, L’histoire du diable)
Et le roman change d’optique. Des personnages en filigrane ou secondaires passent au premier plan. Le personnage central est désormais un écrivain qui avait fréquenté dans sa jeunesse Paulini et sa librairie. Celle-ci avait pour lui un « statut d’extraterritorialité, une île de bienheureux ». Nous apprendrons à la fin de la second partie – il y en a trois – qu’il s’appelle Schultze, avec un t, à ne pas confondre avec l’auteur du roman qui se nomme Schulze, sans t, même si la distance est faible. Il s’agit de l’auteur de la première version que nous venons de lire. Son intention de départ avait été d’écrire une nouvelle sur le libraire :
« Mon récit devait montrer Paulini comme le grand lecteur qui, au-delà des époques et des systèmes, en raison de sa prédisposition et de sa passion, devient le rempart contre ce qui nous menace, nous autres gens des livres et qui, parce qu’il reste fidèle à ses vœux et à ses convictions, se dresse en quelque sorte de façon naturelle contre ce qui nous sape et nous emporte année après année et ne laissera un beau jour plus rien subsister de ce pour quoi nous avons cru vivre. Sans les Paulini de ce monde, ne serions-nous pas perdu ? »( p. 232)
Si Paulini est sans conteste un amoureux du livre imprimé, avec les ambiguïtés déjà signalées, cela en fait-il pour autant le lecteur rêvé de tout écrivain ? On peut en douter d’autant que cela dépend du genre de convictions. Pour Paulini, faire de la politique « c’est gaspiller son temps ». pour lui tout ce qui éloigne de l’essentiel c’est à dire des livres était « superflu et inutile ». Un dissident apolitique, un oxymore. Schultze – avec un t – travaille à sa nouvelle sur Paulini à la fois à partir de ses souvenirs personnels de jeunesse et de l’image que lui compose Lisa avec laquelle il a établi une relation amoureuse et qui fut, et est toujours, la collaboratrice bénévole du libraire, et sans doute plus. Un soupçon de ménage à trois. Cette relation est partie intégrante du travail de l’écrivain et ne le simplifie pas :
« En tant qu’auteur, j’étais effrayé lorsque, en représentant Paulini, je percevais en lui des aspects que je n’avais pas découverts auparavant, ou que je n’avais pas voulu m’avouer. Ils remettaient soudain tout mon projet en question. A moi, l’homme qui luttait pour Lisa , ils étaient bienvenus, car ils contredisaient de façon évident l’image qu’elle propageait de lui »(p. 238)
Il en arrive au constat de son erreur non sans avoir une dernière fois rencontré Paulini. La nouvelle reposait-elle sur de mauvaises bases ?
« J’avais voulu dresser un monument à cet habitant de Dresde, montrer au gens de l’Ouest où vivait la vraie culture, et ennoblir en passant mon origine. A nous autres, gens de l’Est, j’avais voulu redonner conscience de notre propre histoire. Mais c’était méconnaître Paulini et méconnaître à quoi le prédestinait ce que nous admirions en lui : délire de domination, arrogance, regard d’en haut. J’avais raté un manuscrit par amour pour Lisa, dans l’espoir d’une continuité dans mon existence. Mais moi aussi, j’ai succombé à cet orgueil démesuré. Car quoi d’autre que surestimation de soi-même et prétention avait été cet espoir de pouvoir mettre en œuvre, utiliser mon écriture pour quelque chose, même si ce quelque chose était l’amour. Quelle erreur, quelle trahison ! » (p.265)
Etait-il trop impliqué pour inventer de la fiction ? Le roman d’Ingo Schulze est aussi le roman de l’écriture, par l’écrivain Schultze, d’une nouvelle sur un libraire de livres anciens qui passait pour grand alors que son univers était lilliputien. La seconde partie du roman s’achève sur le constat d’un manque dans la nouvelle. Ingo Schulze nous promène dans un labyrinthe de miroirs déformants qui grossissent ou rapetissent les points de vue et piègent les récits univoques, les visions parcellaires, les jugements hâtifs, les causalités simplistes.
Passe sur le devant de la scène une lectrice d’un genre un peu particulier puisqu’il s’agit de la lectrice de la maison d’édition d’Allemagne de l’Ouest qui prévoit de publier la nouvelle. On y apprend d’emblée la mort conjointe d’Élisabeth Samten (Lisa) et de Norbert Paulini. L’éditrice se trouve face à un manuscrit dont l’auteur est persuadé qu’il avait rendu hommage à la mauvaise personne. Elle l’incite à faire de ce défaut, c’est à dire « un parti pris esthétique coupé de tout contexte », une « nouvelle de notre temps », débarrassée d’une écriture conventionnelle et libérée de sa tentation ostalgique. Si la police conclut que la mort du libraire et de Lisa est due à un accident tragique, elle n’exclut pas d’autres hypothèses. Suicide commun ? Homicide ? Dans ce cas, quel en serait l’auteur possible ? La lectrice mène sa propre enquête. Se rendant sur les lieux de l’accident, elle croise un motocycliste avec un casque de la Wehrmacht et une tête de mort sur son T shirt. Elle interroge longuement le couple bosniaque qui gère la librairie dont a hérité le fils Paulini. L’entretien nous offre un dernier point de vue différent sur le libraire de livres anciens. On sent comme une tentation de roman policier poindre dans les dernières pages du livre. On n’y trouvera pas de réponse. Tout au plus des soupçons. Les candidats assassins ne manquent pas parmi tous ces braves et honnêtes gens .