Il est nécessaire de faire un petit point d’actualité.
Angela Merkel : L’Europe, c’est de la politique intérieure.
Le Monde 25/01/2012
Dans un entretien accordé, la semaine écoulée, au magazine Der Spiegel, Alain Minc explique que l’actuel locataire de l’Elysée apprend enfin à se maîtriser. Qu’on en juge : selon Minc, « il a trois femmes dans sa vie, Carla Bruni, sa fille et Angela Merkel ». Mais passons rapidement sur le nombrilisme anecdotique de sa suffisance pour en arriver à quelques déclarations utiles à connaître même si ce ne sont pas vraiment des scoops.
Je retiens d’abord celle-ci sur le deal franco-allemand :
«Les Allemands ont accepté l’aspiration française à un gouvernement économique et la France a accepté de gérer son budget selon des critères allemands. C’est cela le deal ».
Il explique aux lecteurs allemands que la dramatisation de la question de la notation était voulue pour faire passer deux plans de rigueur. Elle était également destinée à mettre l’adversaire socialiste en difficulté. Nicolas Sarkozy devrait présenter une sorte d’Agenda 2010 à la Schröder ajoute Minc qui se vante d’avoir introduit l’ancien chancelier social-démocrate à l’Elysée parce qu’il serait la preuve que l’on peut gagner les élections en démontant les acquis sociaux grâce sans doute à une « stratégie du choc ». Le différentiel de compétitivité entre l’Allemagne et la France viendrait des 35 heures et du salaire minimum. Rappelons qu’en Allemagne, il n’y a pas de SMIC.
«Le président de la République suivra Gerhard Schröder en politique intérieure et Angela Merkel dans sa politique européenne ».
On ne parle même plus de suivre la politique de la France. C’est l’abandon en rase campagne.
Avec d’autres interventions comme, par exemple, celle du petit éclaireur de Zorro, Claude Allègre, on pressent que se projette comme une sorte de grande coalition entre la droite néolibérale française et européenne et l’aile libérale de la social-démocratie allemande personnifiée par l’ancien chancelier Gerhard Schröder. Ce dernier est l’auteur d’une entreprise de casse sociale sans précédent en Allemagne (et jusqu’au bout de son mandat), pilotée par Peter Harz, ancien dirigeant de Volkswagen, un de ces « experts » comme les aiment la classe politique. Le résultat est connu : l’Allemagne est devenue un pays à bas salaire. Cette réalité là est l’une des explications mais pas la seule de la crise actuelle. Ce n’est pas encore reconnu par tout le monde, mais ça vient.
J’avais déjà montré par ailleurs que l’Allemagne allait bien plus mal qu’on ne le dit, que les vieux clichés cessent de fonctionner. Voici que le mythe de l’efficacité sociale du capitalisme rhénan s’effondre à son tour.
Pour la chancelière allemande, je l’avais déjà signalé, la crise est politique :
« La crise est une crise de la dette et une crise de la confiance. Il existe un domaine qui a, au fil des années, pratiquement perdu tout crédit, c’est la politique ».
Elle vise bien entendu la perte de confiance des marchés financiers dans la politique. Et la conclusion qu’elle en tire est que pour préserver les seules institutions dignes de confiance que sont les banques centrales et la Cour de justice européenne, il faut garantir leur indépendance et donc dessaisir la politique de ses attributions budgétaires, institutionnaliser des mécanismes de sanctions contre les états qui ne respecteraient pas la discipline budgétaire. Il faut faire fi de toute économie politique. Ainsi se parachèverait, à l’échelle de l’Europe, l’édifice néolibéral à l’opposé des leçons qu’il conviendrait de tirer de la crise.
« Faire sortir de la véridiction du marché la juridicité de l’Etat, c’est ça le miracle allemand », écrivait Michel Foucault.
Dans ce contexte se préparent différents modèles de nouvelles agences de notation. Certains journaux français ont évoqué l’une d’entre elles, par exemple Les Echos qui écrivent :
« Il s’agirait d’une organisation à capitaux privés et à but non lucratif, avec le statut de fondation, aurait précisé Roland Berger. L’homme d’affaires a mené une intense campagne de lobbying auprès des gouvernements et entreprises du Vieux Continent pour récolter les soutiens et fonds nécessaires à l’établissement d’une nouvelle agence de notation.
Il espère pouvoir lever les 300 millions d’euros de capitaux auprès d’investisseurs européens dans les mois qui viennent. « Le modèle proposé consiste en une agence où les services sont payés par les clients, qui ont intérêt à avoir des résultats fiables et objectifs », aurait indiqué Roland Berger au quotidien italien. Moody’s, S & P et Fitch partagent le même modèle commercial, à savoir celui où ce sont les émetteurs de titres -et non les investisseurs -qui payent pour obtenir une note de crédit ».
Mais ce n’est pas la seule. Personne ne parle de la Fondation Bertelsmann qui a annoncé la mise en route d’un projet d’agence de notation dans un communiqué du 9 décembre 2011 depuis les deux sièges de la Fondation : Washington et Gütersloh.
Son président Gunter Thielen, a déclaré :
« La crise de l’Euro a montré que les agences de notations actuelles ont un déficit d’acceptance [i.e.sont mal vues, en quelque sorte]. Elles manquent de légitimité et de transparence et leurs critères d’évaluation sont trop étroits ».
Sur quels critères faudrait-il améliorer la notation ? Sur les critères politiques, la capacité à gérer et faire avaler les couleuvres des réformes :
« Ce qui compte avant tout c’est que les critères utilisés soient si possible complets et ne rendent pas seulement compte des réalités économiques et financières mais également du management politique d’un pays et de sa capacité à faire accepter les réformes ».
Autrement dit pour le gars qui viendrait avec l’idée saugrenue d’un référendum, ce sera illico le zéro pointé. Cette agence ne devrait cependant pas être trop européenne. Il refuse l’idée d’un contre modèle européen au modèle anglo-saxon.
« Notre modèle est un thermomètre supplémentaire qui examinera à la loupe les pays de manière plus exhaustive et plus durable ».
La fondation Bertelsman est le think-thank néolibéral de la multinationale Bertelsman connue pour son activité d’édition et de médias (RTL) mais pas seulement. Une partie de son « business » provient de la privatisation des services publics et du « dégraissage de mammouths ». La Fondation mène ainsi une grosse activité de conseils et de notation auprès des municipalités.
Grande coalition de politique intérieure européenne et nouvelles agences de notation
Il est nécessaire de faire un petit point d’actualité.
Angela Merkel : L’Europe, c’est de la politique intérieure.
Le Monde 25/01/2012
Dans un entretien accordé, la semaine écoulée, au magazine Der Spiegel, Alain Minc explique que l’actuel locataire de l’Elysée apprend enfin à se maîtriser. Qu’on en juge : selon Minc, « il a trois femmes dans sa vie, Carla Bruni, sa fille et Angela Merkel ». Mais passons rapidement sur le nombrilisme anecdotique de sa suffisance pour en arriver à quelques déclarations utiles à connaître même si ce ne sont pas vraiment des scoops.
Je retiens d’abord celle-ci sur le deal franco-allemand :
Il explique aux lecteurs allemands que la dramatisation de la question de la notation était voulue pour faire passer deux plans de rigueur. Elle était également destinée à mettre l’adversaire socialiste en difficulté. Nicolas Sarkozy devrait présenter une sorte d’Agenda 2010 à la Schröder ajoute Minc qui se vante d’avoir introduit l’ancien chancelier social-démocrate à l’Elysée parce qu’il serait la preuve que l’on peut gagner les élections en démontant les acquis sociaux grâce sans doute à une « stratégie du choc ». Le différentiel de compétitivité entre l’Allemagne et la France viendrait des 35 heures et du salaire minimum. Rappelons qu’en Allemagne, il n’y a pas de SMIC.
On ne parle même plus de suivre la politique de la France. C’est l’abandon en rase campagne.
Avec d’autres interventions comme, par exemple, celle du petit éclaireur de Zorro, Claude Allègre, on pressent que se projette comme une sorte de grande coalition entre la droite néolibérale française et européenne et l’aile libérale de la social-démocratie allemande personnifiée par l’ancien chancelier Gerhard Schröder. Ce dernier est l’auteur d’une entreprise de casse sociale sans précédent en Allemagne (et jusqu’au bout de son mandat), pilotée par Peter Harz, ancien dirigeant de Volkswagen, un de ces « experts » comme les aiment la classe politique. Le résultat est connu : l’Allemagne est devenue un pays à bas salaire. Cette réalité là est l’une des explications mais pas la seule de la crise actuelle. Ce n’est pas encore reconnu par tout le monde, mais ça vient.
J’avais déjà montré par ailleurs que l’Allemagne allait bien plus mal qu’on ne le dit, que les vieux clichés cessent de fonctionner. Voici que le mythe de l’efficacité sociale du capitalisme rhénan s’effondre à son tour.
Pour la chancelière allemande, je l’avais déjà signalé, la crise est politique :
Elle vise bien entendu la perte de confiance des marchés financiers dans la politique. Et la conclusion qu’elle en tire est que pour préserver les seules institutions dignes de confiance que sont les banques centrales et la Cour de justice européenne, il faut garantir leur indépendance et donc dessaisir la politique de ses attributions budgétaires, institutionnaliser des mécanismes de sanctions contre les états qui ne respecteraient pas la discipline budgétaire. Il faut faire fi de toute économie politique. Ainsi se parachèverait, à l’échelle de l’Europe, l’édifice néolibéral à l’opposé des leçons qu’il conviendrait de tirer de la crise.
« Faire sortir de la véridiction du marché la juridicité de l’Etat, c’est ça le miracle allemand », écrivait Michel Foucault.
Dans ce contexte se préparent différents modèles de nouvelles agences de notation. Certains journaux français ont évoqué l’une d’entre elles, par exemple Les Echos qui écrivent :
« Il s’agirait d’une organisation à capitaux privés et à but non lucratif, avec le statut de fondation, aurait précisé Roland Berger. L’homme d’affaires a mené une intense campagne de lobbying auprès des gouvernements et entreprises du Vieux Continent pour récolter les soutiens et fonds nécessaires à l’établissement d’une nouvelle agence de notation.
Il espère pouvoir lever les 300 millions d’euros de capitaux auprès d’investisseurs européens dans les mois qui viennent. « Le modèle proposé consiste en une agence où les services sont payés par les clients, qui ont intérêt à avoir des résultats fiables et objectifs », aurait indiqué Roland Berger au quotidien italien. Moody’s, S & P et Fitch partagent le même modèle commercial, à savoir celui où ce sont les émetteurs de titres -et non les investisseurs -qui payent pour obtenir une note de crédit ».
Mais ce n’est pas la seule. Personne ne parle de la Fondation Bertelsmann qui a annoncé la mise en route d’un projet d’agence de notation dans un communiqué du 9 décembre 2011 depuis les deux sièges de la Fondation : Washington et Gütersloh.
Son président Gunter Thielen, a déclaré :
Sur quels critères faudrait-il améliorer la notation ? Sur les critères politiques, la capacité à gérer et faire avaler les couleuvres des réformes :
Autrement dit pour le gars qui viendrait avec l’idée saugrenue d’un référendum, ce sera illico le zéro pointé. Cette agence ne devrait cependant pas être trop européenne. Il refuse l’idée d’un contre modèle européen au modèle anglo-saxon.
La fondation Bertelsman est le think-thank néolibéral de la multinationale Bertelsman connue pour son activité d’édition et de médias (RTL) mais pas seulement. Une partie de son « business » provient de la privatisation des services publics et du « dégraissage de mammouths ». La Fondation mène ainsi une grosse activité de conseils et de notation auprès des municipalités.