Il y a cette photographie retrouvée dans mes archives, une parmi une dizaine, prises au même moment, au même endroit. Et je suppose que c’est moi qui les ai prises et même développées, ce que je faisais à l’époque. Je n’en ai pas un souvenir très précis. Mais je sais où cela s’est passé et qui figure sur cette photographie. Il s’agit de Nathan Katz déjà âgé mais manifestement heureux d’être là. Le soir de la première de la reprise de sa pièce Annele Balthasar dans la grange de Bendorf (village du Sundgau alsacien), le 13 août 1977, la seule fois donc où j’ai croisé le poète vivant.
Dans son livre, Victor Hell qui y était également et dont j’ai fait la connaissance à ce moment là raconte :
« Pour sa première représentation, en 1975, dans la grange communale de Bendorf, le groupe théâtral a fait preuve de perspicacité en mettant en scène, sous le titre D’r Schollesepp une adaptation de la pièce de l’auteur danois Holberg (1684-1754), Jeppe paa Bierget, dont l’action et les péripéties correspondent parfaitement aux problèmes d’une région multilingue à l’époque pré-révolutionnaire ; les nobles parlaient français, élégamment, le peuple s’exprimait en dialecte, la justice était rendue en latin (depuis lors, la justice, c’est-à-dire l’institution qui se réclame de cette notion, même si elle a abandonné le latin, a gardé un langage étranger à la masse des citoyens). [J’étais l’un des adaptateurs de ce texte avec François Dangel qui en fit la mise en scène]. En 1976, on joua à Bendorf D’r brav’ soldat Schweik. Lorsque Nathan Katz apprit au début de 1977 que son Annele Balthasar de 1924 serait représentée cette année même, à Bendorf, il était encore très affaibli par la maladie qui avait failli lui être fatale ; la nouvelle le transforma littéralement ; le vieux poète, qui venait de côtoyer la mort, retrouva, comme par miracle, sa jeunesse d’esprit et sa vigueur. Tout illuminé intérieurement, la figure émaciée par les souffrances, le vieux poète me confia : Je vais revoir la chère Annele Balthasar. Je comprends que le personnage qu’il porte en lui depuis plus de cinquante ans, qui n’a jamais été une de ces «schwankende Gestalten» dont parle Goethe au début de son Faust, que cette frêle jeune fille, encore adolescente, est présente maintenant dans cette chambre d’hôpital toute blanche tout comme l’a été, il y a quelque temps, dans le clair-obscur du petit salon-bibliothèque à Mulhouse, la vieille mère, partie à la recherche de son fils. Désormais, Annele Balthasar ne quittera plus le poète. Il n’y a, dans la joie qui irradie Nathan Katz, aucune infatuation d’auteur ; le poète se réjouit de retrouver son Sundgau natal, les paysages familiers, le monde de son enfance. Malgré ses infirmités et les dangers que son audace peut lui faire courir, il est décidé à assister au moins à une des représentations de Bendorf. L’accueil que le public, où se mêleront jeunes et vieux, fera au poète sera un des grands moments dans la vie de Nathan Katz ».
(Victor Hell Nathan Katz itinéraire spirituel d’un poète alsacien, Editions Alsatia 1978 page 57
Nathan Katz viendra deux fois à Bendorf.
Si j’évoque ces anecdotes, c’est en raison de la réédition prochaine en version bilingue du texte aux éditions Arfuyen.
Et nous commencerons comme d’habitude par un extrait en alémanique puis en français :
Annele Balthazar quoique acquittée de l’accusation de sorcellerie est morte. Nous sommes 70 ans, après l’échec de la Guerre des paysans, au temps des procès de sorcellerie. Doni son amoureux accuse dans la scène finale :
« Doni
In da nass chalt Bode wai si di ineläge, maidle ? !… As säll denn jetz ein dr müet derzüe ha, fir züe dr z’chu,… wu de so rein doligsch !
(Zu den Anwesenden) dir hait mer’s jo umbroch ! dir ! i chlag ech a, alli, vor äiserm liebe härget !… alli !… Kä mitlide isch in äierem harz !… dir hait beesi sache erdankt : haxeräi !… Vom beese Geischt bsasse si !… Alli sind dr bsasse, alli, vom e beese, beese Geischt,… ass si d’sunne verfäischtere mächt !… dr hait beesi Werter gfunge : racht ! Grachtigkeit vor Gott !… dur alli Chilchheef geht e schrei vo äierer Grachtigkeit !… dir tient täusig un wider täusig gschäidi sache üsdanke, un wisset doch nit racht, was dr wait, un sehnt in allem Find äierem Gläube, Find vo Gott !… un dr wisset nit, ass dr Gott verlore hait ! Wie meh ass dr en gsüecht hait, wie meh ass dr en üf dr zunge gha hait deschto meh hait dr en üs em harz verlore !… isch’s denn nit Gott gsi, wu gred het in mr, ass i’s so garn gha ha, so iber alles garn !… isch’s denn nit Gott gsi, wu in im gsi isch, ass es so an mir ghonke ich, ass es si so gfrait het an jedem maie üf ’m Faischterbratt, an jedere stung, wu d’sunne gschine het !… Gott, wu schwär in allem labt, wu um is isch, ass alles wie-n-e gross Gheimniss isch : in jedem hurscht, wu tribt, in jeder Wolke, wu zieht, in jedem Wing, wu iber d’Acker geht !… ich’s denn nit Gott, das wu in is rieft züe allem, wu gross isch un scheen isch ? !… — o wenn me so dr luft heert z’nacht dur d’Baim geh, hinger de schäpf in de Grasgarte… Wenn dr sturmwing brielt im Wall ass wie ne wild tier,… Wenn d’Blitz iber d’Barge käie… isch das nit scheen ? !… isch das nit ebbis wu eim güed macht ? !… — dir aber hait en verlore : Gott !… dr fiehret äier Pflüeg iber’s Fall, un heeret d’stimm nit, wu um ech red, un in ech red, un hanket so an richtum un an allem wu chlitzeret, Chinge ! un marteret ein dr anger un ploget en !… un Gott red doch üs allem, wu scheen isch, so gross in äiser harz ine !… i ha als dankt : e Gläube !… Fir alli mensche : Güed si gäge-n-enanger !… enanger halfe !… das isch’s, was i allewil dankt ha !… das isch’s, wu mi harz dra ghonke isch ! Wie han i glachznet derno, ass emol e zit chäm, wu mr doch mensche wäre, mensche ! !… o, si so alli vor ebbis niederwarfe, wu gross isch un scheen isch, un besser warde, un mitlidiger !… Wie hani gläubt gha !… un was hani gfunge : eland !… d’ganzi Walt versinkt im eland ! in e määr vo rachsucht un Verbäuscht un hass bis in alli ewigkeit ine !… un kei hoffnig isch, ass es angerscht chäm !
(Nach einer Weile versunkenseins, beruhigt, visionär:) Dü bisch jo doch mi jetze, maidle !… Jetz het nieme kä racht meh iber di ! nieme ! Kei papierig eland Gsetz vo de mensche ! iber aller niedertracht vo dr Walt bisch mi !
(Er steht einige Augenblicke versunken.) De plangsch jo üf mi, arem harz !… Wil i di bi !… Ganz di !… Wil i di gsi bi, allewil, vo alle zite noh… Wil i di bi in alli ewigkeit ine… — — so ganz hai mr zammeghert allewil, ass eis fir’s angere het miesse üf die Arde chu ! Fir ass mr alles lide un alli Fraid enanger hatte chänne trage halfe. Fir ass nit eis allei hatt miesse in dare chalte Walt in steh un ohne liecht un ohne liebi verchimmere… so ganz tien mr enanger aaghere ! — — un jetz sättsch so-n-allei si… standig riefsch jo noh mr !… täusigfach heer i di stimm… dur alli müre dure… dur alli Wall dure… so riefsch mr züe dr… harz… in e lebandigsi iber allem eland… in dr tod… das isch’s, was i ertraimt ha allewil : zammesi mit dr !… do si bi dr in dam grosse labe, wu in alle Walte in tribt,… wu an alle spitz vo de Grashalme zittere tüet… do si… mit dir… in alli ewigkeit ine… — Wu eim kei mensch üsenangerrisse cha un kei Gsetz un nit !… un fräi si !… so… in alli ewigkeit !
(Er öffnet das Fenster. — Blitze fallen.) Wie d’Blitz käie !… Wie färchterlig scheen ass das isch !…(visionär, beruhigt, den Blick in das Flammen der Blitze gerichtet) Aeiser haimet !… Ching, das isch äiser haimet ! — — »
———————-
« Et c’est dans cette terre humide et froide qu’ils veulent te coucher, ma chérie !… Que l’un d’eux ait maintenant le courage de s’approcher de toi… couchée là, si chaste !
(Aux personnes présentes.) Vous l’avez tuée ! Vous ! Je vous accuse tous devant notre seigneur !… tous autant que vous êtes !… il n’y a aucune pitié dans vos cœurs !… Vous avez imaginé des horreurs : sorcellerie… possession par l’esprit malin. C’est vous qui êtes tous possédés, tous, par un esprit mauvais… à tel point que le soleil voudrait s’éteindre !… Vous avez trouvé des mots atroces : droit !… justice divine !… de tous les cimetières s’élève un cri contre votre justice ! Vous élaborez dans vos têtes des milliers et des milliers de choses savantes, et malgré cela, vous ne savez pas au juste ce que vous voulez et dans tout ennemi de vos croyances, vous voyez un ennemi de Dieu… et vous ne savez même pas que Dieu, vous l’avez perdu ! Plus vous le cherchiez, plus vous aviez son nom à la bouche, plus vous le perdiez dans vos cœurs. N’était-ce pas Dieu qui parlait en moi quand je l’aimais tant, plus que tout ? n’était-ce pas Dieu qui vivait en elle, lorsqu’elle tenait tant à moi, lorsqu’elle prenait plaisir à chaque fleur sur le rebord de la fenêtre, à chaque heure où brillait le soleil ?… Ce Dieu qui vit intensément dans tout ce qui nous entoure et qui transforme tout en un grand mystère : dans chaque buisson qui bourgeonne, dans chaque nuage qui passe, dans chaque souffle de vent qui parcourt les champs ! n’est-ce pas Dieu, ce qui en nous aspire à tout ce qui est grand et beau ?… Ah ! quand on entend un souffle d’air dans les arbres la nuit, derrière les hangars dans les vergers… Quand un vent tempétueux hurle dans la forêt comme une bête sauvage… Quand la foudre tombe sur les montagnes… n’est-ce pas beau ? n’est-ce pas quelque chose qui vous fait du bien ?… mais vous, Dieu, vous l’avez perdu !… Vous poussez votre charrue dans le champ sans entendre la voix qui vous parle, qui parle à l’intérieur de vous-mêmes et autour de vous, vous tenez tant à la richesse et à tout ce qui brille, enfants que vous êtes ! et vous vous martyrisez et vous vous tourmentez les uns les autres. Et pourtant, la voix de Dieu jaillit de tout ce qui est beau et interpelle nos cœurs !… Il m’est arrivé d’imaginer : une croyance commune… pour tous les hommes : être bon les uns envers les autres !… s’entraider !… Voilà ce à quoi j’ai toujours pensé !…Voilà ce à quoi mon cœur aspirait ! Avec quelle ardeur ai-je désiré que vienne un temps où nous serions des humains. Des humains ! Oh, les voir tous se prosterner devant quelque chose de grand et de beau et devenir meilleurs et plus compatissants !… Comme j’y ai cru !… Mais qu’ai-je trouvé ? De la misère ! La terre entière sombre dans la misère. dans un océan de vengeance, de malveillance, de haine pour l’éternité !… et nul espoir que cela change jamais !…
(Après un temps de réflexion, apaisé, visionnaire.) Finalement, à présent, tu es quand même à moi, ma chérie !… À présent, plus personne n’a de droit sur toi ! Personne ! Aucune misérable loi humaine sur du papier ! Au-delà de toute la bassesse du monde, tu m’appartiens.
(Il reste plongé dans ses pensées pendant quelques instants.) Tu m’attends avec impatience, pauvre cœur !… Parce que je t’appartiens… tout à toi !… Parce que je t’ai appartenu, de tout temps… Parce que je t’appartiens pour l’éternité !… Nous nous sommes toujours appartenu, si bien que l’un a dû venir sur terre pour l’autre. Nous aurions pu nous aider à porter toutes les peines et toutes les joies… Pour qu’aucun de nous deux n’ait à dépérir sur cette terre froide, sans lumière et sans amour, où il se serait retrouvé seul. Nous sommes tellement faits l’un pour l’autre !… et maintenant il faudrait que tu restes seule ! sans cesse, tu m’appelles !… mille fois, j’entends ta voix … elle traverse tous les murs… elle traverse toutes les forêts… sans cesse tu m’appelles à te rejoindre… mon cœur… dans une vie au-delà de toute misère… dans la mort… C’est ce dont j’ai toujours rêvé : être ensemble… Être là auprès de toi dans cette grande vie qui palpite en tous les mondes, qui frémit à la pointe de tous les brins d’herbe. Être là… avec toi… pour toute l’éternité… là-bas, aucun humain ne peut nous séparer, aucune loi, ni rien d’autre !… Être libres !… Ainsi… pour l’éternité…
(Il ouvre la fenêtre. Des éclairs éclatent.)Tous ces éclairs !…
Comme tout cela est terriblement beau !…
(visionnaire, apaisé, plongeant son regard dans les éclairs.) Ici, c’est chez nous !… ma chérie, c’est chez nous, c’est la petite parcelle du monde [Haimet] où nous sommes chez nous ! »
Nathan Katz : Annele Balthasar Editions Arfuyen Traduction Jean-Louis Spieser
Nous avons dans l’extrait ci-dessus un concentré des thématiques de la pièce et plus généralement de l’œuvre de l’auteur. Je commencerai par cette « petite parcelle du monde où nous sommes chez nous » selon l’expression choisie par le traducteur, Jean-Louis Spieser, pour rendre l’alémanique Haimet (Heimat en allemand). Nous ne sommes pas du tout dans un home sweet home. Ce n’est pas cela la Haimet dont rêve Doni. Annele Balthasar est bien morte. Nathan Katz n’a jamais nié la réalité de la mort. L’auteur suggère-t-il qu’il la rejoindra dans la tombe – « Sans cesse tu m’appelles à te rejoindre… mon cœur… dans une vie au-delà de toute misère… dans la mort… » – ou développe-t-il ici une conception mystique de la Haimet ? Pour la religion, les chrétiens ne sont que de passage sur terre. Et leur Heimat est d’essence divine. Pour Maître Eckhart, par exemple, elle se situe dans le mystère divin. On peut par ailleurs observer que la mystique n’est pas absente de la poésie expressionniste de son époque. Et encore moins dans le roman Novembre 1918 d’Alfred Döblin.
Mais je pense plutôt que Nathan Katz propose une conception de la Haimet dans laquelle morts et vivants cohabitent. C’est du moins ainsi que je veux le lire. Nathan Katz qui était d’origine juive n’était en fait d’aucune religion particulière.
Avant d’aller un peu plus loin dans notre lecture du texte, il faut revenir sur quelques aspects biographiques de l’auteur. Katz est incorporé, pour son service actif sous l’uniforme allemand à partir de septembre 1913 et, dès la déclaration de guerre, mobilisé le 2 août 1914. Il a 21 ans. Dès le début, il témoigne du combat qu’il va mener avec lui-même. C’est un combat pour la joie de vivre (Kampf um die Lebensfreude) pour reprendre l’expression qui sous-titre le recueil Das Galgenstüblein publié en allemand en 1920. Parti soldat allemand, Nathan Katz revient soldat français au pays d’Annele Balthasar. Fait prisonnier de guerre allemand par les Russes qui le considèrent comme français, il est renvoyé en France où il produit des armes comme les soldats allemands dont il fut. On serait perturbé à moins. Combattre dans ce contexte non seulement pour la survie mais plus encore pour la joie de vivre relève d’un défi immense que nous avons sans doute du mal à appréhender. Il fait paraître encore un recueil en allemand en 1930 : Die Stunde des Wunders. Mais entre temps, Nathan Katz a approfondi sa connaissance du poète alémanique d’outre Rhin, Johann Peter Hebel et il a fait le choix de la langue qu’il partagera avec ce dernier. Annele Balthasar sera l’expression de ce choix radical et c’est comme poète alémanique qu’il s’exprimera à partir de là. Je parlerai plus longuement de ce passage de la Heimat à la Haimet, dans la conférence que je ferai avec Daniel Muringer, le 6 avril 2018.
Nathan Katz associe au pays sa langue vernaculaire qu’il juge par ailleurs – et à juste titre – antérieure à l’allemand écrit et qui est transfrontalière. En même temps, il développe une conception à la fois tragique et utopique de la Haimet qui est aussi toujours collective et dans un partage de culpabilité et de responsabilité.Le plus souvent, il utilise l’expression Aïser Haimet (notre pays).
Utopique,
« il doit bien y avoir une vie plus élevée ! Il doit y avoir quelque chose : une vie, loin derrière tout ce que nous pouvons seulement imaginer… Quelque chose qui tiendrait du dernier éclat de la floraison dans nos vergers… Quelque chose comme un son qui, la nuit, traverserait le bois en vibrant… loin derrière tout ce que nous pouvons concevoir…et pourtant, c’est de vie qu’il s’agit : être uni à quelque chose qui n’est qu’âme… dans un grand amour. »
Mais aussi une vision tragique : Haimet ! Maimet ! Que de sang innocent coule en toi ! s’exclame t-il dans une Danse macabre. Cette vision tragique est d’abord celle de l’humanité entière. Dans le recueil en allemand Galgenstüblein, il écrivait
« J’ai feuilleté aujourd’hui un livre sur l’histoire du Monde !…
L’histoire du Monde !…
Meurtre ! Meurtre ! Haine ! Ténèbres !…la voilà l’histoire de l’humanité, de cette partie de l’humanité qui se nomme civilisée.
Combien de fois, quand cette bande humaine passe devant mon âme, je le vois se tenir debout, là-bas à Nazareth, cet homme pur et élevé !
Très Haut, c’est ainsi que le monde T’a compris !
C’est de cette façon qu’il s’est emparé de Ton idée d’amour.
Si Tu avais, un millénaire et demi plus tard [soit vers 1500, l’époque des procès de sorcellerie dans laquelle il situe Annele Balthasar (B.U.)], observé la terre, Tu aurais pleuré si Tu avais vu ces hommes !
Tu aurais pleuré si Tu avais vu ces bûchers en flammes !
Était-ce cela mon idée du monde ?!…
Suis-je mort pour cela ?!
Très Haut ! Je le sais : Tu te serais retrouvé dans des forêts sombres, solitaires…là-bas une lumière !… puis une autre…. Beaucoup, toute une ville dans une mer de lumière !…
Les enfants, aimez-vous, je vous en supplie !…Aimez-vous !
Et eux : Ils t’auraient accusés de magie et brûlé !…
La crucifixion était passée de mode à cette époque.
Plus de quatre cents ans se sont écoulés depuis à grande vitesse vers l’infini. Et aujourd’hui : ce sont toujours les mêmes vieux hommes.
Ils continuent de s’entre-tuer pour une grande cause ; ils se martyrisent, se font souffrir ; ils construisent des potences et se pendent les uns les autres !
C’est à mourir de rire avec cette espèce humaine fanatique !…
Ils rêvent de paradis et pour cela ils transforment leur présence sur terre en souffrance et se torturent !… »
(Nathan Katz : Das Galgenstüblein Traduction Bernard Umbrecht)
Nathan Katz fait évoquer à Doni dans Annele Balthasar un rêve de Sauveur Suprême : <
« On a toujours chez Katz le double mouvement du clair et de l’obscur, du bien et du mal. Les deux coexistent dans la Haimet. » Comme dans tout groupe humain, non ? Pourquoi la Heimat y échapperait-elle ?
Décidément, j’ai le plus grand mal à partager votre vision utopique de la Heimat.
Et puis, est-ce qu’une telle chose existe toujours ? En Alsace, apparemment, oui. Mais c’est de moins en moins le cas. Dans le monde d’aujourd’hui qui érige la « mobilité » en vertu cardinale parce qu’indispensable pour y survivre et (dés)organise le quotidien de façon à forcer les gens à l’exode vers les « communautés urbaines », voire les mégapoles, la « petite patrie » n’est-elle pas vouée à ne plus être qu’un objet de nostalgie (inguérissable) ?
« Je pleure un monde mort. Mais moi qui le pleure, je ne suis pas mort », disait Pier-Paolo Pasolini. Propos de bravache ?