Cartes postales de Hambourg / Suite

Comme indiqué précédemment, j’étais le 34754ème visiteur individuel de cette installation d’ Antony Gormley depuis le 27 avril 2012 aux Deichtorhallen de Hambourg.

L’artiste britannique Antony Gormley a créé  pour la grande Deichtorhalle, pendant la Documenta, une nouvelle installation l’« Horizon Field Hamburg » qui se tient entre le 27 avril et le 9 septembre 2012 dans la halle Nord des Deichtorhallen à Hambourg. C’est une surface noire réfléchissante et flottante, d’environ 25 m sur 50, suspendue à sept mètres et demi au-dessus du sol. Elle oscille légèrement ou plus fortement selon l’action des visiteurs  et invite à découvrir une nouvelle sensation de l’espace non sans offrir parfois l’impression que le sol pourrait se dérober sous nos pieds sans chaussure. La présence de spectateurs acteurs visiteurs contribue à la réalisation de cette œuvre. Beaucoup de commentateurs, à la suite de Iain Boyd Whyte, dans le catalogue de l’exposition, font référence au tableau attribué au Caravage intitulé Narcisse…..

… Mais on comprend ici que la réflexivité suggérée par le tableau n’est pas celle des générations d’aujourd’hui.u Un autre écran noir vient s’interposer entre eux et l’image que reflète le miroir noir de Narcisse, celui du téléphone portable.

Pour ceux qui passeraient par là, l’exposition est visible jusqu’au 9 septembre 2012. Entrée libre.

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Cartes postales de Hambourg

Quelques images ramenées d’un récent séjour à Hambourg, un choix totalement arbitraire sans aucune volonté de donner une vue d’ensemble de la ville dont bien des aspects me seront restés totalement ignorés. Sous l’occupation napoléonienne, Hambourg était Département des Bouches de l’Elbe.

Voir aussi les suites 1 et 2

A Hambourg, on est très fier de compter plus de ponts qu’à Venise .

Et on nettoie tout ce qui peut faire tache même si le résultat est plus laid sans tag qu’avec.

Dans le quartier des anciens entrepôts

Soupe populaire. Je n’ai jamais vu lors de mes précédents séjours en Allemagne autant de personnes faisant la manche ou les poubelles qu’à Hambourg. Cela s’explique peut-être aussi par le fait qu’à l’évidence Hambourg est aussi une ville où il y a de l’opulence.

On ne parle jamais de la permanence du mouvement Occupy depuis novembre 2011 à Hambourg et ailleurs. J’y ai rencontré un ensoutané qui m’a tenu un discours apocalyptique et antisémite.

Deichtorhallen

J’étais le 34754ème visiteur individuel de cette installation d’ Antony Gormley depuis le 27 avril 2012.  J’en parle demain

La nouvelle Philharmonie dit aussi Philharmonie de l’Elbe. Les travaux sont au point mort depuis des mois à la suite d’un désaccord entre le constructeur et le gouvernement de Hambourg.

Un petit tour du port en bateau


Il parait que tout cela n’est pas encore assez grand. La course au gigantisme se poursuit.

De la Chine de l’Europe à la Chine d’Asie et réciproquement.

Dans le port, Le veau d’or, une sculpture d’Elisabeth Richnow. A contre jour, difficile de voir qu’il est vraiment doré.

 

Sankt Pauli

 


La crise s’appelle capitalisme et veut dire guerre. Hafenstrasse, ancien squat devenu propriété d’une coopérative.

Aucun humain n’est illégal. L’autre façon d’être de gauche.

Plage de Sankt Pauli.

Avant de dépenser l’argent il faut le tirer

 

Les medias

Le navire amiral de l’empire médiatique Grüner et Jahr (Magazines Stern, Capital, Geo, Gala etc ). Prisma presse est sa filiale à Paris (Femme actuelle).

Ils sont tous là.

Der Spiegel

Die Zeit

Et l’Eglise de scientologie a pignon sur rue sur la même place

Le monde entier veut notre argent. Une assez arrogante et choquante « une » de l’hebdomadaire die Zeit.  L’Allemagne comme Harpagon persuadée que le monde entier en veut « avec hystérie » à sa cassette. Avec une absence totale de distance critique, le journal fait l’amalgame entre la presse et les puissances financières allemandes : « notre argent ». Comme si c’était le leur. Et comme si cet argent « nous » était destiné. Le patron du journal réclame de la « sueur et des larmes » dans un éditorial qui ne lui en a pas coûté beaucoup.

L’ancien dans le nouveau

Reflet de l’Eglise Saint Michel

Intermède Beatles

 

Les Beatles ont fait leurs armes à Hambourg avant de devenir célèbres. Le musée qui leur était dédié vient de fermer ses portes. Reste la rue.

Faust

 

Auf strenges Ordnen, raschen Fleiß / Erfolgt der allerschönste Preis.

Ce n’est pas précisé mais il s’agit d’un vers du Faust de Goethe gravé dans le marbre. Il n’y a pas qu’en RDA donc que cela se faisait.

L’ordre rigoureux, le zèle et la rapidité remporteront le prix le plus splendide. Dit Faust devenu aveugle avant de conclure :

Dass sich das Werk vollende, // Genügt ein Geist für tausend Hände.– Faust II, Vers 11507 ff.

Pour que la plus grande des œuvres s’achève / L’esprit d’un seul suffit pour un millier de main.

Un principe capitaliste gravé dans le marbre

Faust justement, c’est encore ici :

Le Thalia Theater.

On y donnait Faust I+II,  huit heures de théâtre.

Décoiffant.

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Quelques scènes footballistiques

 

Pour atteindre le but, il faut savoir pisser droit. Le foot vous poursuit jusque dans les toilettes.

Mendiant sur un canon devant les portes de la ville de Lübeck bientôt déserte, dimanche 17 juin 2012, une bonne heure avant le match Allemagne -Danemark. Je laisse à chacun le soin de commenter cette image chargée de symboles.

Difficile d’en mettre plus.

Les retransmissions télévisées sont des vecteurs d’invasion des écrans….

….et de colonisation des places publiques. Ici à Hambourg.

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Pour une socialisation des dividendes de l’automatisation


Source de l’image

Imaginons des cabinets d’avocats remplacés par des machines. Ce n’est pas la réalité de demain mais celle d’aujourd’hui.
J’ai opté pour la traduction intégrale du texte ci-après, en raison de la qualité de son auteur, Frank Rieger, porte parole du mouvement hacker Chaos Computer Club, de l’endroit où le texte a été publié, la Frankfurter Allgemeine Zeitung, du moment, et parce qu’il aborde le thème de la prolétarisation du travail intellectuel, c’est-à-dire sa délégation à la machine et participe à sa façon à la politisation des enjeux technologiques : « les structures économiques et politiques de la société sont devenues incompatibles avec l’état de la technologie ».
Certains aspects du débat ainsi relancé ne sont pas nouveaux. Pourquoi reviennent-ils aujourd’hui ? Parce que, me semble-t-il, l’on s’attend en Allemagne à une nouvelle vague d’automatisation et de robotisation.
A l’horizon, la question de savoir combien de temps peut durer cette course des hommes dont les salaires sont de plus en plus bas avec des automates de moins de moins chers, c’est à dire comment l’économie et la société doivent elles continuer à fonctionner si de moins en moins de personnes ont encore un emploi stable et suffisamment bien rémunéré pour qu’on puisse y prélever impôts, cotisations sociales et retraites ?
Frank Rieger plaide pour un processus d’adoption des nouvelles technologies par la société qui passe par une « socialisation des dividendes de l’automatisation »
Un passage en particulier m’est apparu problématique : « Comme l’immigration massive soulève encore d’énormes problème culturels d’acceptation, il ne reste qu’une solution les robots et les algorithmes ». C’est une assez grossière et démagogique concession à l’air du temps d’ailleurs contradictoire avec son propos.. On pourra sans doute également reprocher à l’auteur de ne pas penser à l’imposition du capital financier et de ne pas inscrire son projet plus largement, en Europe, mais ce dernier aspect aussi est dans l’air du temps en Allemagne.
Il n’en développe pas moins une utopie positive concrète.
Voici donc  avec son aimable accord et celui de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, la traduction du texte de Frank Rieger. J’ai conservé les intertitres de la rédaction du quotidien allemand.

Article invité :

Bientôt tout sera différent
par Frank Rieger

(titre transformé depuis en les dividendes de l’automatisation de tous les robots doivent garantir nos retraites)

Les révolutions technologiques font avancer l’histoire. Nous le savons par nos livres d’école. Mais nous sommes aussi en plein dedans. Nous en faisons d’une manière ou d’une autre le constat et cependant nous l’ignorons. Pourtant, nous savons  que les grandes vagues d’innovation ont provoqué dans les sociétés humaines de grands bouleversements sociaux, des révolutions, des guerres, des mouvements migratoires. L’émergence d’une nouvelle technologie s’est le plus souvent faite par accumulation et pouvait durer des décennies. Mais ensuite, les transformations techniques ont été plus rapides que celles des structures économiques et sociales qui n’arrivaient pas à suivre. Les soulèvements de tisserands, les mouvements luddistes, les déplacements des ramasseurs de coton noirs des états du sud de l’Amérique comme conditions et conséquences de l’industrialisation ont été des exemples historiques d’un processus que nos sociétés ne cessent de revivre : la structure économique, politique et sociale est devenue incompatible avec l’état de la technologie.

Les adaptations imposées sont en général  douloureuses, brutales et injustes.  Chaque tracteur, chaque moissonneuse, chaque machine à traire a mis des travailleurs agricoles au chômage. La machine à tisser automatique a mis mainte famille dans la misère. Il ne restait à la plupart d’entre elles que le choix de l’émigration vers les villes pour s’engager dans l’industrie souvent comme main-d’œuvre à bas salaire. Avec de la chance, les enfants réussissaient à obtenir une formation qui leur ouvrait la voie vers des métiers mieux rémunérés. Chaque machine à calculer mécanique, chaque ordinateur numérique a rendu superflus des dizaines  voire des centaines de calculateurs humains qui auparavant faisaient les opérations avec du papier et des aides mécaniques. Dans le meilleur des cas, ils peuvent se reconvertir en devenant programmateurs, analyste système, opérateurs de saisie.

Soudain vaut la loi de Moore

Après ces bouleversements provoqués par la technique, de nouvelles structures économiques et sociales se sont mises en place. L’homme n’a pas été seulement remplacé par la machine, il a été dépassé par elle. Quand tout allait bien les gains en efficience et productivité ne profitaient pas seulement aux propriétaires des machines. Car entretemps, les possesseurs de moyens de production, sous la pression des mouvements ouvriers, ont compris qu’il était judicieux de mettre en place des systèmes de protections sociales pour assurer la transition vers l’établissement des nouvelles structures économiques et la création de nouveaux emplois. Celui que se trouvait sans salaire parce qu’une machine effectuait son travail ne pouvait pas non plus acheter de produits. Il cessait d’être un acteur du marché et menaçait la paix sociale. L’industrialisation est le chapitre le plus dramatique de la dynamisation sociale : avec les machines à vapeur, de nouveaux haut-fourneaux, le chemin de fer eu autres instruments incroyablement efficaces naissait une nouvelle société caractérisée par la Bourgeoisie et el Mouvement ouvrier.

La vague technologique suivante qui ébranlera les fondements de notre société est en cours, puissante et silencieuse. Elle n’est pas poussée par une seule technologie mais par une combinaison  de développements parallèles qui se renforcent l’un l’autre.  Les ordinateurs et les réseaux ont désormais derrière eux les premières décennies de leur introduction. Des objets du quotidien sont informatisés, numérisés, connectés. Une grande partie de leur fonctionnalité provient du logiciel. Ils ne sont plus soumis aux cycles de leurs branches d’origine. Soudain vaut la loi de Moore : le doublement tous les huit [erratum] dix-huit mois de la capacité de calcul et l’explosion des fonctionnalités qui l’accompagne. Cela vaut également pour les appareils de prise de vue, de lecture de musique, les téléviseurs, téléphones, capteurs de toute sorte y compris les automobiles qui de plus ne plus  sont des ordinateurs avec un moteur et des roues.

Même les enseignants doivent se faire du souci

La vision machinique, la perception stéréoscopique et l’analyse de l’environnement par des caméras deviennent de moins en moins onéreux. Les algorithmes de base étaient disponibles et fonctionnaient depuis longtemps. Il ne leur manquait que des capacités de calcul et de stockage désormais largement disponibles. De nouveaux matériaux, des processus de construction et de fabrication rendent possible une  baisse dramatique du prix des robots et des machines automatisées. Le trop plein en capacités de processeurs et de stockage combiné avec la masse des données produites par la numérisation des toutes nos activités conduit à ce que les algorithmes développés au fil des années pour l’apprentissage machinel et l’intelligence artificielle commencent à être fiables dans leurs usages quotidiens. Toutes les données que nous produisons intentionnellement ou non peuvent sans grand coût supplémentaire être stockées et traitées. Plus encore, avec nos données et nos comportements nous entraînons les machines et les algorithmes à nous analyser mieux. Et cela dans toujours plus de domaines de notre être : il y longtemps que les comportements autres que professionnels, nos échanges privés et culturels, nos préférences et habitudes de consommation  peuvent être et sont enregistrés. En ce domaine, nous avons atteint une nouvelle qualité : nos comportements peuvent être simulé et émulé. Ce point est décisif. Les machines peuvent étudier si intensément les pensées et comportements qu’elles peuvent les optimiser. Les données fournies au départ par l’homme sont améliorées. Les conséquences sociales sont faciles à pronostiquer. Le travail à la chaîne n’est pas le seul à être remplacé par celui d’un robot. Les comptables, les avocats, les chargés de développement personnel, les collaborateurs marketing, même les journalistes, les transmetteurs de savoirs, les enseignants et les professeurs doivent se préoccuper de l’avenir de leurs champs d’activité. Ces transformations ne sont pas seulement purement techniques. La combinaison des capacités des ordinateurs et de leur connexion et la transformation des habitudes des clients créent un bond qualitatif qui peut très rapidement avoir des conséquences dramatiques comme le montre l’exemple de la disparition des agences de voyage.

Le déclin des centres d’appel

Il y a une différence fondamentale entre la transformation que nous vivons et les révolutions techniques antérieures : la vitesse à laquelle la vague se rapproche. Alors que la mécanisation de l’agriculture s’est déroulées sur de nombreuses décennies et que pour l’automatisation on compte en années et décennies, il n’y a pour l’automatisation des activités de l’esprit aucun obstacle à un bouleversement.

Des processus intellectuels sont déjà largement numérisés, les inputs et outputs de l’activité intellectuelle sont des bits et des bytes, qu’ils soient textes ou résultats d’analyse. Pour remplacer un travailleur intellectuel, il n’est pas nécessaire de faire de coûteux investissements dans des machines comme par exemple des robots, il n’est pas nécessaire de tenir compte de délais d’amortissements pour des installations existantes. C’est simplement l’homme devant l’ordinateur qui est remplacé par un logiciel à l’intérieur de l’ordinateur.

C’est précisément la transformation des habitudes de consommation et des processus commerciaux afférents permettant la délocalisation vers l’Inde ou l’Europe de l’Est qui crée les conditions pour les automatiser intégralement. Tout d’abord le service de renseignement téléphonique en Allemagne  a été remplacé par un centre d’appel en Bulgarie. Maintenant, ce même centre d’appel offre ses services également à travers un dialogue en ligne sur la page Web du commanditaire. Petit à petit, un logiciel prend en charge le dialogue avec le client dans le tchat puisque 90% des problèmes et des questions sont toujours les mêmes et qu’un texte peut-être traité automatiquement. Dès que des améliorations auront été apportées à la reconnaissance vocale, au traitement et à la génération de paroles, l’équipe du centre d’appel pourra être réduite à quelques superviseurs qui s’occuperont des problèmes imprévisibles. Le reste du dialogue en ligne  ou par téléphone avec le client sera effectué par un système logiciel.

Journalisme automatique

La virtuosité de plus en plus grande avec laquelle les machines traitent la parole humaine prélude à de profonds changements. Reconnaître la parole prononcée par un individu donné est devenu quelque chose d’accessible grâce à des capacités de calcul suffisantes et à l’expérience faites par des algorithmes avec la parole de millions d’utilisateurs. Ce n’est pas seulement depuis le Siri de Apple que le travail humain de transcription de l’oral à l’écrit n’est plus absolument indispensable. Depuis quelques années déjà, les capacités ridicules de reconnaissance vocale des ordinateurs dédiés  appelés cyniquement dans la branche « Grunz-Detektion » [détection de grognements] masquent les progrès réels obtenus en coulisse. Aujourd’hui des logiciels de dictée reconnaissent de manière quasi parfaite même le vocabulaire spécialisé de médecins ou d’architectes. Le travail classique de secrétariat n’est pas seulement remplacé  par des ordinateurs de frappe. La transcription d’une parole dictée  en texte écrit ne sera plus très longtemps un domaine d’exclusivité humaine. Même cet article [mais pas sa traduction NdT] a été rédigé à l’aide d’un logiciel de reconnaissance vocale accessible dans le commerce.

Un exemple extrême des changements à grande vitesse qui se préparent concerne la rédaction automatique d’articles de journaux à partir de données structurées. Une petite poignée de start-up – la plus connue est Narrative Sciences – a reconnu l’existence d’un marché potentiel né des progrès du traitement de texte par algorithmes en combinaison avec la disponibilité toujours plus grande de données numériques brutes. Des reportages sportifs, par exemple peuvent très bien être générés par de beaux procédés  à partir de données sur le déroulement du jeu, les participants au jeu, les statistiques, les décisions des arbitres, données préparées par des services spécialisés et disponibles dans des formats standardisés.

Des algorithmes écrivent pour des algorithmes

Le résultat n’est pas plus mauvais que celui obtenu par un journaliste sportif moyen qui élabore son article à partir des mêmes données. A partir de millions de reportages archivés avec les données sur le déroulement du jeu lisibles par ordinateur, s’est constituée une banque de données contenant des formulations, des tournure de phrases correspondant aux différents évènements. Elles peuvent être rassemblées en une narration cohérente adaptée au déroulement de chaque jeu. Des algorithmes de garantie de qualité veillent à ce que les formulations ne se répètent pas trop souvent, évitent le style formel, vérifie que les phrases générées soient toujours grammaticalement correctes. Ces méthodes peuvent être appliquées à d’autres domaines journalistiques qui reposent pour l’essentiel sur des données standardisées comme par exemple les informations boursières et les données concernant les entreprises. Notons un effet collatéral bizarre : les informations produites par les algorithmes de synthèse de texte sur les entreprises et les activités boursières sont à leur tour saisies et analysées par des systèmes automatiques d’analyses boursières  qui doivent en déduire des indicateurs sur le comportement des marchés. Les informations boursières ainsi extraites automatiquement repassent dans les algorithmes des activités commerciales : les algorithmes écrivent pour un public d’algorithmes.

Prise de pouvoir de l’intelligence artificielle

Dans son actuel roman « Fear index » [édité, en français, chez Plon sous le titre L’indice de la peur], Robert Harris, écrivain bien informé de la science fit écho à la manière dont la numérisation intégrale, les connexions, la pensée exclusivement orientée vers l’efficience la plus grande, l’optimisation et l’externalisation (streamlining et outsourcing) sont les conditions qui préparent l’étape suivante, l’automatisation complète. Le slogan de la firme dont parle le roman est le suivant :

L’ENTREPRISE DE L’AVENIR N’UTILISE PAS DE PAPIER / L’ENTREPRISE DE L’AVENIR NE FAIT PAS DE STOCK / L’ENTREPRISE DE L’AVENIR EST ENTIÈREMENT NUMÉRIQUE / L’ENTREPRISE DE L’AVENIR EST Là

Chez Harris dans une construction littéraire clairement distante de ce qui est aujourd’hui techniquement possible, un système intelligent de trading échappe au contrôle de telle sorte qu’il manipule ceux qui l’ont élaboré et élimine brutalement toute obstacle et résistance aux buts programmés de recherche du profit maximum. La parabole de L’indice de la peur condense le conflit central des prochaines années : une nouvelle foi, les structures économiques et politiques de la société sont devenues incompatibles avec l’état de la technologie. Après la prise de pouvoir de l’intelligence artificielle chez Harris, le slogan de la firme se transforme logiquement en :

L’ENTREPRISE DE L’AVENIR N’A PAS D’EMPLOYE / L’ENTREPRISE DE L’AVENIR N’A PAS DE DIRECTEUR / L’ENTREPRISE DE L’AVENIR EST UNE ENTITÉ NUMÉRIQUE / L’ENTREPRISE DE L’AVENIR EST VIVANTE

Toujours plus d’efficience

Ce processus est en cours même s’il est masqué par l’actuel boom économique de l’Allemagne. Pour illustrer la rapidité avec laquelle la transformation peut très vite s’opérer, on peut prendre l’exemple des avocats qui jusqu’à présent sont bien payés pour analyser des documents afin d’y déceler de potentielles irrégularités. Les avocats des cabinets de « litigation support » font avant tout une chose : compulser des montagnes de documents, courriels et dossiers d’affaires. Un logiciel avec le soutien de très peu de spécialistes fait cela beaucoup mieux, plus vite et pour un coût moindre même s’il faut au préalable numériser une masse de documents. Rechercher des modèles de corruption, des irrégularités, des ententes suspectes ne constitue plus un emploi pour des centaines d’avocats dont le tarif horaire est de 250 dollars. Ce n’est plus qu’un travail pour une poignée de spécialistes équipés d’ordinateurs. Et le même software – le leader sur le marché est la firme américaine  Cataphora – peut aussi remplacer une partie du service du personnel. Si on laisse tourner les algorithmes d’analyse non seulement dans le cas d’une plainte mais de manière permanente afin qu’ils scannent les communications numériques de l’entreprise, l’un des résultats obtenus permettra de savoir quel collaborateur licencier en cas de crise sans qu’il y ait de grosses pertes au niveau des gains.

Il est temps que nous réexaminions notre relation avec nos machines et leur productivité. Ce sont « nos » machines et non « les » machines. Malgré ce qu’e l’on en fait apparaître dans la littérature ou au cinéma, elles n’ont pas au sens humain de vie propre, pas de conscience, pas de volonté, pas d’intention. Elles sont construites, fabriquées, utilisées par des hommes  qui se faisant poursuivent un but, le plus souvent la maximisation du profit et des positions de pouvoir. Il se peut que la complexité des machines dépassent parfois nos capacités, elles n’en restent pas moins nos créatures.

Il ne sert donc à rien de se plaindre des algorithmes capables de remplacer des pans de plus en plus vastes de l’esprit humain. Ce ne sont pas les algorithmes et les machines en soi qui nous menacent. Ce ne sont pas les programmateurs et les geeks qui prendront bientôt le pouvoir. La plupart de ces soi-disant maîtres du monde numérique ne programment et ne développent que ce qui leur est demandé par ceux qui paient leurs salaires. Les nouvelles technologies et les structures économiques qu’elles tissent ne proviennent pas du cerveau d’un méchant maître des esprits. Elles sont bien plus  le résultat d’une course effrénée à l’efficience, au retour sur investissement optimal. La question qui pointe à l’horizon est la suivante : comment l’économie et la société doivent elles continuer à fonctionner si de moins en moins de personnes ont encore un emploi stable et suffisamment bien rémunéré pour qu’on puisse y prélever impôts, cotisations sociales et retraites. La tendance est déjà évidente : près des ¾ des nouveaux emplois créés en Allemagne sont à durée déterminée et souvent à faible niveau de salaire. Il n’a pratiquement pas d’obstacle social et légal à la suppression des emplois par l’automatisation. Les bouleversements peuvent selon les branches se produire dans un avenir proche dès lors que la technique est disponible.

Une transformation profonde des mentalités

Pour l’appréhension sociale de cette situation sans précédent dans l’histoire, il n’y a pas de solution attractive à première vue – une vue très marquée par une conception néolibérale du monde. . Les hommes concourent avec des salaires de plus en plus bas avec des automates de moins de moins chers. La vision d’un avenir selon lequel se réalisera l’espoir totalement improbable des économistes de la création d’emplois nouveaux et attractifs est fantomatique.

D’un point de vue réaliste, cette course contre les automates, « Race against machine » selon le titre d’un des rares livres actuels qui éclairent le sujet [de Erik Brynjolfsson et Andrew MacAfee NdT] n’est pas gagnable pour la majorité des gens. Le livre fournit la bonne comparaison, puisée dans l’histoire, permettant d’illustrer pourquoi les conceptions classiques des économistes ne fonctionnent plus pour cette révolution technologique. L’homme réalisant de simples activités manuelles et intellectuelles est comparable au cheval comme moyen de transport dominant d’avant l’automobile. Si seulement le transport à cheval était devenu rapidement moins cher, pense la théorie économique dominante, il aurait pu concurrencer les moteurs.

Si l’on abandonne le dogme selon lequel ne mange que celui qui gagne lui-même son pain, s’ouvrent alors de surprenantes possibilités d’avenir qui nécessitent cependant une profonde transformation des mentalités. Le financement actuel de notre collectivité repose en grande partie sur l’imposition du travail et de la consommation. Ce principe est inscrit dans le ciment de notre société et constitue la base de l’économie sociale de marché au sens du « capitalisme rhénan ».

Un cercle vicieux

L’automatisation et la flexibilisation de la production font que de moins en moins de gens touchent un salaire régulier. Même en période de boom économique, le taux de chômage ne baisse plus significativement. Des emplois précaires, McJobs sous payés constituent la plus grosse part des emplois proposés. Les revenus disponibles baissent d’où une réduction des recettes provenant de la taxation de la consommation  dès lors que les limites de l’endettement des ménages est atteinte.

Avec l’actuelle philosophie fiscale, la prochaine vague d’automatisation peut provoquer en quelques années l’effondrement social et financier de l’Etat et de la société. Les conséquences sont prévisibles. L’embrasement de la résistance contre la robotisation et l’automatisation conduira à un retard économique généralisé, à des délocalisations et au final à la perte des capacités concurrentielles internationales. Un cercle infernal sans issue.

Un revenu de base pour tous

L’alternative : une transformation progressive du système fiscal et des prélèvements sociaux allant jusqu’à l’imposition indirecte  du travail non humain pour obtenir ainsi une socialisation des dividendes de l’automatisation. Si nous réussissons à rendre l’Allemagne compatible avec la prochaine vague technologique, si les structures de notre système fiscal et social sont conçues de telle sorte que d’avantage d’automatisation conduise à plus de bien-être ressenti et mesurable pour tous, en préservant la paix sociale sur le long terme, nous obtiendrons un avantage concurrentiel de dimension historique. Dès lors que l’automatisation n’avance pas les freins serrés  parce que tous profitent des progrès de productivité, des miracles modernes sont possibles.

En même temps,  une société  favorable à l’automatisation  dans laquelle personne de doit faire le deuil de son boulot pris en charge par un robot ou un algorithme est une réponse partielle au drame démographique qui menace. Comme l’immigration massive soulève encore d’énormes problèmes culturels d’acceptation, il ne reste qu’une solution : les robots et les algorithmes doivent travailler au financement des nos retraites et d’un revenu de base pour tous. Le chemin qui y mène n’est pas évident et nécessite des investissements considérables non seulement dans les domaines de la recherche et du développement technique mais aussi social. Mais dès lors qu’existe un consensus pour socialiser les dividendes de l’automatisation  et pour admettre que c’est le chemin de l’avenir et que tout le monde en profitera, cela mettra l’Allemagne dans une position enviable.

Une utopie positive

Cette voie est semée de nombreux mais intéressants défis à maitriser. Mais la plupart des obstacles à franchir sont de nature positive pour peu que le consensus favorable à l’automatisation soit ancré dans la société. Il ne suffit pas cependant de réformer de fond en comble la fiscalité et les financements sociaux. Pour la plupart des gens, le travail n’est pas seulement  un gagne pain, il contribue pour une large part à l’estime de soi et à la structuration de la vie. Sans activité régulière ayant si possible du sens, beaucoup de gens souffrent d’ennui et de dépression. C’est pourquoi, il faut aussi se préoccuper de guérir la perte d‘importance de l’individu née de sa défaite dans la course contre la machine. Il ne s’agit pas seulement de garantie financière mais d’une offre d’activité attractive. Mais il y a assez de choses à faire précisément dans des activités qui ne sont pas honorées de manière satisfaisante par le marché dans le domaine  social, des ars et de la culture, dans la revitalisation des paysages et des villes. Comparé à ce que serait la transformation de la société dans le sens de son adoption par la société, l’actuel tournant énergétique est une petite affaire. Il faut s’attaquer à des dogmes économiques et sociaux solidement ancrés. La socialisation des dividendes de l’automatisation est un projet de dimension historique. A l’opposé de pratiquement tous les autres scénarios, elle représente une utopie positive  qui garantit sur le long terme  la stabilité sociale et économique.

Frank Rieger
Traduction Bernard Umbrecht

Frank Rieger, né en 1971, est directeur technique d’une entreprise de sécurité informatique. Il est, depuis 1990, l’un des porte-paroles du Chaos Computer Clubs. Il est l’auteur d’un livre avec Constanze Kurz Die Datenfresser (Les bouffeurs de données). S. Fischer Verlag
Source : FAZ Automatisierungsdividende für alle Roboter müssen unsere Rente sichern. 18.05.2012 ·
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Kulturkampf numérique

Note préalable

Wikipedia : Le Kulturkampf, ou « combat pour la Civilisation », est un conflit qui opposa le Chancelier Bismarck à l’Eglise catholique et au Zentrum, le parti des catholiques allemands, entre 1871 et 1880 . Un combat dit de « civilisation » contre « l’esprit rétrograde » de l’Eglise catholique (Bismarck était protestant)  qui avait décrété au concile de Vatican 1 en 1971, l’infaillibilité du pape.

Le mot a été détourné pour désigner les appels de ceux qui avec les projets de prise de contrôle d’Internet veulent mener un conflit de civilisation voire ce que Paul Jorion appelle une « guerre civile numérique ». Depuis le début de l’année, nous en sommes à la troisième séquence de ce conflit si l’on prend comme point de départ l’offensive d’un député de la droite allemande annonçant la lutte finale.

Première séquence

« Chers internautes, vous perdrez la bataille ! » Tel était le titre d’un point de vue d’Ansgar Heveling, député chrétien démocrate, membre de la commission Internet et société numérique au Bundestag, le Parlement allemand. Le texte avait été publié dans le quotidien Handelsblatt, le 30 janvier 2012.

« Vous perdrez la bataille », c’est donc qu’il y a bataille. Quelle bataille ?

En voici la description par le parlementaire  :

« Les discussions actuelles sur les projets SOPA  (Stop Online Piracy Act) et PIPA (PROTECT IP Act ) pour la régularisation d’Internet contiennent tous les éléments pour enfin provoquer le si attendu clash of civilization (in english dans le texte. C’est le combat entre le beau et nouveau monde numérique et la vie réelle. Pendant que les digital natives déclarent que les gens réels sont des dinosaures en oubliant qu’ils forment la majorité. Mais les majorités n’ont jamais vraiment préoccupé les révolutions. Le dispositif médiatique deces derniers jours donne l’impression que nous sommes arrivés dans la troisième partie du Seigneur des anneaux avant la bataille finale pour la terre du milieu. C’est le moment d’anticiper sur la nécrologie des héros de bits et bytes ».

Le reste est à l’avenant. Il est question de « totalitarisme numérique » de « maoïsme numérique ». Cela pour défendre la liberté la démocratie et la … propriété mais surtout  pour fabriquer une opposition factice entre défenseurs du droit de propriété issu de la Révolution française et partageux totalitaires.

La réplique viendra de Frank Rieger, porte parole du Chaos Computer Club (CCC), l’association des hackers allemands. « Vous voulez le Kulturkampf ? Vous pouvez l’avoir ». Il interprète les propos d’Ansgar Heveling comme posant les « principes revanchards » de la politique chrétienne démocrate dans le domaine de l’Internet.

« Ansgar Heveling parle du réseau comme s’il s’agissait d’une mode passagère qui n’existerait que pour accélérer la faillite spirituelle et morale de l’occident. Depuis [1990]le réseau numérique est devenu pour les générations entières un organe des sens supplémentaire, un lieu de vie et de travail. Entre temps, 30 millions de ménages Allemagne dispose d’un accès rapide à Internet. Pratiquement personne ne vit plus sans connexion au réseau ».

Il se demande dès lors d’où vient cette hallucination qui voudrait que « la majorité des gens réels «  soient hostiles à Internet. Frank Rieger dessine ensuite ce qui selon lui est l’enjeu réel :

« Nous nous trouvons sans conteste en tant que société devant la question de ce que sera dans l’avenir la rétribution des auteurs, compositeurs, cinéastes. Les modèles économiques du siècle passé fonctionnent de moins en moins. Les intermédiaires que ce soient les labels, les maisons d’édition,  les sociétés d’exploitation devraient être là pour ôter aux créatifs les soucis de mise sur le marché et pou défendre leurs intérêts. Au lieu de cela, ils ont bouché l’horizon de leur branche d’activité. Les innovations permettant de faire de l’argent avec des contenus viennent de marginaux qui du coup monopolisent des segments entiers. Que les maisons d’édition soient totalement incapables de construire une alternative à Amazon et Kindle est à mettre au compte de leur incompétence, de leur entêtement, de leur politique à courte vue.

Les succès industriels reposent sur un constat simple : les utilisateurs sont prêts à payer pour des contenus  pour peu que ce ne soit pas cher, d’un fonctionnement facile et sans accroc. L’industrie des médias se comporte comme le lapin devant le serpent technologique et lance des appels à une coercition de plus en plus forte des utilisateurs ».

Le Chaos Computer Club a d’ailleurs développé des modèles de micro paiement avec une monnaie virtuelle.

« L’industrie des médias répond par un silence obstiné à toutes les idées et propositions mises en discussion. (…) Compte tenu des propositions de loi internationales ouvertement achetées par l’industrie comme SOPA, PIPA , ACTA, on en arrivera à ce Kulturkampf si  l’on n’en revient pas à la raison et si l’on ne saisit pas les propositions de dialogue en faveur de modèles technologiques de rémunération. Il y a une chose que M. Haveling ne devrait pas oublier : payer pour des contenus reste une activité librement consentie. Chaque centime récolté par l’industrie sort de la poche du consommateur. Quand il en aura assez des restrictions, castrations, mises sous tutelle, sa disposition à payer pourra rapidement changer. Un boycott absolu des productions médiatiques payantes est tout à fait faisable  et le « réseau »  a montré sa capacité à mobiliser rapidement. L’un des podcasters allemands le plus connu qui vit en grande partie des contributions volontaires de ces auditeurs a diffusé sur twitter le texte suivant : «  Kulturkampf ? Vous pouvez l’avoir » ».

Deuxième séquence

L’épisode  précédent a produit des vagues. La seconde séquence a été déclenchée par un musicien et auteur Sven Regener suivi par un groupe de scénaristes de télévisions dont on se demande en quoi ils sont touchés,  puis une armada de créatifs qui disent que « ma tête m’appartient » et  qui appelle à l’assaut contre les Pirates.

Les scénaristes de séries policières ont adressé une lettre ouverte aux verts, aux Pirates, à Die Linke qui sur ce point a des positions proches et aux Internautes à qui ils reprochent de dramatiser l’opposition entre la convention internationale de protection de la propriété intellectuelle et le libre accès à la culture, dénonce « l’équation démagogique » qui ferait de la liberté d’accès l’équivalent de la gratuité

« Les responsables Internet de tous les partis ne devraient pas toucher à la question de la durée des droits et en pas assimiler tout contrôle  chez les fournisseurs et les utilisateurs la fin du monde occidental. Quand on voyage sans billet ou qu’on ne paye pas ses impôts, on doit bien accepter des restrictions des ses droits ».

Je rappelle que la durée des droits  est de 70 ans après le décès de l’auteur.

Là encore, c’est le CCC qui répond  en rappelant qu’ils sont eux aussi des auteurs, concepteurs, développeurs, programmateurs bref des créatifs et qu’il ne saurait y avoir de « compromis historique » avec des « ignorants prénumériques » et de rappeler aux scénaristes que ce dont ils auraient besoin d’abord, ce serait de « bons syndicats dignes de ce nom »

Troisième séquence

[Note préalable : Urheber signifie en allemand auteur, créateur. Le mot vient de urhap, le début la cause,  l’origine. Le mot est entré dans le vocabulaire juridique pour désigner celui qui est à l’origine du délit que l’on distingue ainsi d’un éventuel complice. Ceux à qui l’auteur confie la gestion de ses droits, les ayants-droit sont appelés Rechteinhaber]

La troisième séquence a été ouverte par un appel intitulé « Nous sommes les auteurs » auquel a répliqué la pétition «  Nous sommes les citoyens ». Un groupe se revendiquant d’Anonymous  mais en est-il vraiment ? a rendu public sous le tire «  fuck you copyright blah blah blah » les données personnelles des auteurs signataires –  en fait, ils avaient collationné les données publiques _ ce qui a aussitôt permis aux éditeurs de jouer – voire même surjouer – les protecteurs.

Voici les deux textes en question :

1)      « Nous sommes les auteurs »

«  Avec incompréhension et inquiétude, nous suivons en tant qu’auteurs et artistes les attaques publiques contre le droit d’auteur. Le droit d’auteur est une conquête historique des libertés bourgeoises contre la dépendance féodale, il garantit la base matérielle de la création intellectuelle individuelle.
Dans ce contexte, prétendre qu’il existe un conflit d’intérêt entre les auteurs et les « exploitants » c’est donner une image déformée de la réalité de notre travail.
Dans une société de la division du travail, les artistes  confient la mise sur le marché de leurs œuvres à des maisons d’édition, des galeries, des producteurs et des sociétés d’exploitation quand ces derniers défendent au mieux leurs intérêts. Les nouvelles réalités de la numérisation et de l’Internet ne justifient pas le vol profane de la propriété spirituelle  voire d’en demander la légalisation. Au contraire, il convient de renforcer la protection des droits d’auteur  et de les adapter aux conditions actuelles de l’accès rapide et massif aux productions intellectuelles.
Le droit d’auteur permet aux artistes et auteurs de vivre de leur travail et nous protège tous  y compris des agissements globaux des multinationales de l’Internet dont le modèle économique accepte que les artistes et auteurs soient dépossédés de leurs droits.
La présence et l’usage quotidien de l’Internet dans notre vie ne peut justifier le vol et ne peut excuser l’avarice et la cupidité.

http://www.wir-sind-die-urheber.de/

Il y a de grands noms de la littérature parmi les signataires mais force est de constater qu’heureusement pour eux on les connaît en général mieux inspirés. Le texte qu’ils cosignent est en effet d’une rare platitude. On ne trouve quasiment rien de leurs textes en format numérique sur Internet. Et c’est dommage pour eux comme pour nous.

En tout état de cause, ils ont provoqué l’élaboration d’un contre appel.

2)      « Nous sommes les citoyennes et citoyens »

« Avec grande inquiétude, les citoyennes et citoyens suivent la discussion sur les droits d’auteur et leur devenir sur Internet. Nous ne voulons pas la suppression des droits d’auteurs. Au contraire, nous voudrions que les droits d’auteurs conservent  un avenir mais cela signifie qu’ils doivent être rapprochés des réalités de la société.
Nous nous prononçons pour que ceux qui souhaitent vivre de leur art et de leur activité créatrice puissent disposer du cadre nécessaire.
Les questions de sociétés d’exploitation, de la durée des droits et des modèles de paiement en font partie.
Chaque auteur(e) doit pouvoir déterminer lui-même ce qu’il admet qu’on fasse de son œuvre. L’Internet modifie profondément les conditions de la création culturelle.

Brusquement se posent pour tous y compris pour les amateurs des questions de droits d’auteurs :

– Combien de texte a-t-on le droit de citer sans porter atteinte aux droits d’auteur ?
– A-t-on le droit de chanter et de danser sa chanson préférée et mettre la vidéo sur Internet ?
– A-t-on le droit de plagier ou de parodier une scène célèbre du cinéma ?
– Est-ce qu’un droit d’usage est acquitté avec l’achat d’un CD, d’un livre, de données ?

Nous, citoyennes, citoyens, sommes dépassés par les règles dès lors que nous voulons être créatifs sur Internet. Dans le même temps, les professionnels de la création culturelle sont indignés par le fait que l’on utilise leurs œuvres sans contrepartie financière.
Nous devons construire le cadre légal de telle sorte que les intérêts des auteurs restent préservés mais qu’en même temps le plus grand nombre accepte ces règles comme justes et s’y conforment. Ce n’est qu’ainsi que l’acceptation pour la valeur des contenus protégés pourra être accrue.
Nous ne voudrions pas que l’application des droits d’auteur conduise à une distorsion des moyens de coercition.

Cela inclut

– le bannissement de l’Internet pour avoir téléchargé illégalement de la musique plusieurs fois ;
– la surveillance et la conservation des données pratiquées sans raison sous prétexte de traquer le non-respect des droits d’auteur ;
– les amendes d’un montant exorbitant pour obtenir un effet dissuasif (plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’euros) .

Nous voulons un droit d’auteur. C’est pourquoi nous tendons la main à tous les créateurs et à leurs partenaires économiques. Cherchons ensemble des solutions qui garantissent les doits des auteurs à disposer de leurs oeuvres comme le droit de tous à vivre sans répression et sans surveillance ».

http://wir-sind-die-buerger.de/

On ne fait pas plus gentil. Plus de 7000 signataires à ce jour.

Il y a eu des réactions plus radicales comme celle des partageurs de fichiers.

« Nous sommes les partageurs de fichiers»

Nous crackons
Nous rippons
Nous encodons
Nous écrivons des fichiers .NFO
Nous releasons (libérons)
Nous téléchargeons
Nous utilisons FXP
Nous sommes des seeders
Nous sommes des leechers
Nous échangeons.
Nous copions

Nous sommes les partageurs de fichiers

Merde à vos droits d’auteur
Merde à vos lois
Merde à votre propriété intellectuelle
Merde à vos avocats
Merde à vos copyrights

Nous sommes les partageurs de fichiers

(…)

Nous sommes les partageurs de fichiers
Nous sommes beaucoup
Et de plus en plus nombreux
Nous ne partirons plus

Nous sommes les partageurs de fichiers
Nous nous battons pour un copyfight
Et nous gagnons »

Et tout cela conduit les uns et les autres à affiner leurs positions.

Nous nous intéressons à celle du Parti Pirate qui les a formulés en dix points, l’objectif étant de « saisir les chances qu’offre Internet pour renforcer les droits des créateurs et des utilisateurs afin que soit favorisé pour la société le libre accès à la formation et à la culture». Ce positionnement est assez souvent caricaturé comme fondamentalement contradictoire.

« 1. Raccourcissement de la durée de protection des droits ramenés à 10 ans après le décès de l’auteur. La durée actuelle de 70 ans profite en premier lieu aux ayants-droit. Le problème de l’inaccessibilité de nombreuses œuvres n’est pas sans lien finalement avec la durée excessive de protection des droits car nombreuses sont les œuvres non rééditées qui malgré cela ne tombent pas dans le domaine public.

2. Nous voulons renforcer le droit des auteurs face aux ayants-droit. En cas de non usage de ces droits, ceux-ci doivent revenir plus rapidement aux auteurs et l’exclusivité des droits doit être limité à 25 ans maximum. Après ce délai, les droits reviennent aux auteurs.

3. Dans le contexte des établissements publics d’enseignement, les utilisations médiatiques des œuvres sont libres de droit une fois réglés les droits d’acquisition. En outre, il convient d’encourager les modèles économiques basés sur des licences libres.

4.L’archivage moderne d’œuvre dans les bibliothèques doit être possible ainsi que son libre accès.

5. Le droit à la copie privée doit être formulé et codifié et la réalisation de « remix » et de «mashups» facilitée. Nous voulons la suppression des DRM (Gestion de droits numériques» et des dispositifs anti-copie.

6. Nous voulons plus de droits d’intervention des auteurs vis-à-vis des gestionnaires comme par exemple un droit à un double emploi ou une limitation des contrats « buy out» (Refonte du droit des contrats)

7. Il faut décriminaliser le partage – de fichier direct, privé, non commercial et l’échange d’œuvres, les partageurs sont les meilleurs clients [une note renvoie à une étude selon laquelle la pratique du téléchargement accroît la vente d’albums] et le besoin de try before buy (essayer avant d’acheter) est légitime.

8. Nouveaux modèles économiques : à tous ceux qui ont fonctionné jusqu’ici il faut adjoindre de nouvelles possibilités comme le micro-paiement, la production communautaire ou l’investissement participatif ainsi que l’option de paiement des droits directement à l’auteur. Ces modèles doivent intégrer nos options en matière de protection des données et de la sphère privée. Nous voulons assurer une rémunération correcte et adaptée des auteurs. La confiance réciproque en ce domaine est au moins aussi importante que les nouveaux moyens fonctionnels de distribution.

9. Il faut mettre un terme aux moyens de dissuasion pour atteinte aux droits d’auteur par des personnes privées.

10. Le droit d’auteur doit correspondre aux demandes de l’utilisateur compétent d’aujourd’hui et ne doit pas limiter sa créativité ».

 

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Pour prolonger avec Ernst Bloch

 

Cette citation du philosophe allemand extraite de Héritage de ce temps évoqué dans le précédent article et écrit dans les années 1930 :

« Il arrive encore souvent que les petites gens se lèvent de table rassasiés. Ils y arrivent parfois, tout au plus, et difficilement. Mais celui qui touche un maigre salaire n’échappe jamais au calcul et il fait rarement des bonds. Or il est remarquable qu’il trouve la vie limitée non seulement convenable mais juste, qu’il n’accorde pas à la classe qui est au-dessous de lui le beurre sur la tartine; et les supérieurs sont doublement reconnus lorsqu’ils épargnent. Le mendiant n’a pas le droit d’aller au-delà des pfennigs; la mesure de menue monnaie qui lui convient est chiche et surtout elle n’est que pour le pain. Le généreux donateur souffre lorsque des enfants pauvres s’achètent pour un sou de bonbons, malheur donc au mendiant qui boit une obole qui ne peut soulager aucune misère. Car l’aumône exige que celui qui la reçoit soit encore plus modeste qu’elle-même. »

Ernst Bloch : Héritage de ce temps. Payot Paris 1978 page 18

 

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« Piétiner et être piétiné » par Thomasz Konicz

Article invité publié avec l’aimable autorisation de son auteur.

En Allemagne, le fascisme n’est pas tombé d’un ciel serein. Des opinions autoritaires et réactionnaires qui souvent avaient l’air de « ne pas être politiques » mais qui, vues de plus prêt, indiquaient la perspective du précipice dans lequel le pays allait sombrer, de telles opinions, attisées par le crise mondiale des années 1930,  se sont répandues au moment de la République de Weimar bien avant la prise de pouvoir par les nazis. Ernst Bloch a consacré à l’étude du pré-fascisme allemand une analyse pénétrante et toujours encore impressionnante. Le texte, rédigé en 1932, a été publié à Zurich en 1935 sous le titre « Héritage de ce temps »[1]. Ernst Bloch y touche à un tabou du débat sur le fascisme mené par la gauche. Il ne désigne pas seulement les financiers et les soutiens du NSDAP, le parti nazi, dans les milieux du Capital, de l’Armée et de l’Appareil d’Etat, il met à nu les prédispositions autoritaires dans une grande partie de la population idéalisée par la gauche sous l’appellation simplifiée de « peuple ».

A la suite de Siegfried Kracauer[2], Bloch a été parmi les premiers à identifier à l’époque une « sorte de nouveau milieu » qui a commencé à donner des coups autour de lui «  en particulier vers le bas, là où il menaçait de couler ». A côté de la petite bourgeoisie classique, âmes mesquines ballottées dans la confusion de la crise, et les petits fonctionnaires, Bloch a inclus dans ce « milieu » avant tout l’armée des employés dont le nombre augmentait rapidement – leur nombre  a été multiplié par cinq « alors que le nombre d’ouvriers ne l’était que par deux ». Malgré leur déclassement de fait dû à la crise, ces employés se considéraient comme « faisant encore partie de la classe moyenne ». C’est pour caractériser ces couches moyennes, tremblantes de peur, entrain de se constituer dans la crise par des appels à la haine, que Bloch a utilisé l’allégorie des veaux « qui choisissent leur propre boucher s’il n’était  que l’odeur de beaucoup de veaux était celle des bouchers ».

L’odeur de boucher des « veaux » était particulièrement intense là où l’industrie culturelle naissante faisait de la colère accumulée de masses désespérées leur fond de commerce. Dans le chapitre intitulé «  Rage et hilarité »[3], Bloch décrit un marathon de danse  qui a eu lieu en 1929 au cours duquel des couples s’épuisent à danser  les uns contre les autres selon le principe du ko, de l’élimination[4]. Le couple vainqueur après des semaines de torture se voyait attribuer une somme de 6000 Reichsmarks. Les règles de ce marathon de danse reposaient sur une lente et douloureuse fatigue des participants. Le spectacle n’avait pas « d’autre but que l’effondrement différé le plus longtemps possible ». Chaque heure, les couples de danseurs disposaient d’un repos intentionnellement insuffisant de 15 minutes qui leur permettait après 300 heures de retourner sur la piste de danse « avec les pieds sanglants, les yeux au supplice et un corps de plomb » et « la main de l’un des partenaires sur la chair sanglante de l’autre ».

Mais Bloch a aussi observé le public rassemblé là  qui de ses hurlements et sifflets poussaient les participants épuisés au collapsus. Étaient rassemblés là par milliers non seulement des petits bourgeois mais aussi des « prolétaires » et des  chômeurs  qui à l’époque déjà étaient encouragés à soutenir leur « favori » et à participer à ce spectacle sadique. 1000 Reichsmarks étaient offerts à celui qui pouvait démontrer que les couples avaient dépassé leur temps de repos de 15 minutes. Un tiers des électeurs donnent aujourd’hui leur voix aux nazis, écrit Bloch, « ici dans la salle il se pourrait que plus de la moitié de nazis donnât le ton » «  Ce que l’âme populaire fait bouillir ici, on le servira sous peu sans parcimonie ».

Il n’est pas difficile  de voir dans ce spectacle la forme primitive des shows de sélection  et d’humiliation qui scotchent des millions de téléspectateurs devant leurs écrans. Le principe de base de ce spectacle produit par l’industrie culturelle  qui après des décennies d’oubli revit ces dernières années existe depuis les années 1930 dans l’organisation d’une brutale « course de rats » (Rat Race[5]) qui vit d’une concurrence sans cesse exacerbée, d’une sélection sans pitié et le collapsus des vaincus. En cela, les marathons de danse du début des années 1920 ne se distinguent pas fondamentalement des actes d’humiliation dans Je suis une célébrité, sortez-moi de là !, les éliminations dans Germany’s Next Topmodel [diffusé en France sous l’appellation Top model USA], le spectacle de combats The Ultimate Fighter ou Bigbrother. Les successeurs actuels dans la brutalité des concours de danse semblent au moins garantir l’intégrité corporelle des participants de sorte, qu’à première vue, on a cru constater l’existence d’un processus de civilisation. Même dans le « camp de la jungle » personne n’a encore trouvé la mort, ce qui a été le cas pour les concours de danse dans la crise économique. Mais ce minimum là s’accompagne d’une charge psychique accrue qui pèse sur les participants qui, par une perfidie acérée, sont poussés à exposer leur intimité à des millions de téléspectateurs. Et gare aux desperados qui refuseraient ce strip-tease de l’âme, ils seront vite éliminés par les votes car le vote de masse pseudo-démocratique sur le destin des participants fait partie intégrante de presque tous ces spectacles. Chaque spectateur participe aux shows d’humiliation. Chacun est ainsi placé dans la situation de pouvoir appuyer sur le bouton qui décide du destin d’un autre. En fin de compte, les reality-shows d’aujourd’hui bénéficient d’un riche fond d’expérience de l’industrie culturelle en matière de manipulation et d’abrutissement. Cela a conduit à une plus forte différenciation de ces spectacles  nécessaire ne serait-ce qu’en raison de l’effet d’usure de plus en plus rapide auprès du public d’habitué.

Mais qu’est-ce que « l’âme populaire fait bouillir » au cours de ces concours de danse.Est-ce que ce qui mijotait là est comparable aux sentiments des « couches moyennes » actuelles. C’était « une colère brute, rieuse aussi » qui s’emparait du public  lors de ces marathon de danse. Il « renvoyait vers le bas les coups de pieds reçus d’en haut».

Le caractère autoritaire correspond à une mentalité de soumission qui en temps de crise ne peut maintenir sa servilité envers le système dominant que si elle se procure des possibilités d’assouvissement pulsionnels [Triebabfuhr]. La soumission aux impératifs du système  s’accompagne pendant la crise d’un renoncement toujours plus grand aux pulsions [Triebverzicht] alors que les gratifications sont absentes. Comme le caractère autoritaire se croit dans l’impossibilité de se soulever  contre une situation qui le pousse à la folie, la colère ainsi accumulée se fraye la voie pour se porter contre les plus faibles. Les gens ainsi dégradés en objets se réjouissent d’en voir d’autres subir le même sort. La pression accumulée doit être doit être évacuée sur d’autres, c’est pourquoi le public aimait « houspiller de pauvres chiens de la même façon que les riches le font avec lui-même (Bloch).

C’est cet apparent renversement du statut d’objet impuissant des salariés dans le processus hétéronome de valorisation du capital  qui a conduit à l’introduction déjà évoquée d’éléments pseudo-démocratiques dans les nouveaux reality shows. Si toute la nation télévisuelle vote pseudo-démocratiquement  pour le renvoi, l’élimination d’un candidat, chacun a le droit de se sentir brièvement sujet tout puissant, jouer au chef ou commander le destin. Devant des millions de téléspectateurs, les reality-shows poussent à l’extrême l’assujettissement qui fonctionne selon les règles les plus absurdes qui ne le cèdent en rien à la folie quotidienne de la crise du capitalisme. Si possible elles font appel à la participation des téléspectateurs.

Plus la crise sévit, plus brutal est le spectacle. C’est ainsi qu’un diagnostic de la théorie critique trouve sa pleine acception dans les reality-shows actuels : « l’amusement est le prolongement du travail dans la société capitaliste avancée. Il est recherché par celui qui veut se distraire du processus de travail mécanisé pour qu’il puisse à nouveau s’y atteler [6] ».

 » S’éclater » devient dans la crise un « bain ferrugineux »(Adorno) à mesure que s’accroît le harcèlement et le stress au travail.

Après l’assouvissement des pulsions, le week-end,  par les participants au spectacle dégradés en objets, ils supportent plus facilement les coups qu’on leur porte pendant la semaine de travail. La configuration de base du reality-show renvoie aux spectateurs l’image de leur journée de travail quotidienne. L’employé qui regarde Germany’s Next Topmodel voit de fait la même « course de rats brutale » qu’il subit au travail.

Entre-temps, le principe du casting show, la recherche de talents, a été transposé dans le monde du travail. De plus en plus d’entreprises organisent des entretiens pour les candidats à des postes de travail selon le principe de l’élimination par ko au cours desquels le nombre d’épreuves augmente d’étape en étape et les questions deviennent de plus en plus intimes. Il est devenu habituel d’intégrer dans la candidature à un emploi de plus possible d’auto optimisation. Le travail devient le prolongement de l’amusement dans le capitalisme avancé.

La grande différence entre le potentiel autoritaire qui s’exprimait dans les concours de danse des années 1930 et la colère aveugle que fait le succès des spectacles d’aujourd’hui a été interprété  par Bloch avec le concept  de « non contemporanéité[7] »(Ungleichzeitigkeit). Il entendait pas là la persistance malgré la technique moderne, l’industrie et la rationalité de « restes d’être et de conscience d’économies anciennes » plus forte en Allemagne en raison de l’absence de révolution. Cette « non contemporanéité » a favorisé le fascisme.
Il ne saurait être question de cela dans l’Allemagne d’aujourd’hui après des décennies de processus de globalisation. La colère allemande ne s’accompagne pas d’une esthétisation fasciste explicite  qui apparaît  totalement absurde et qui était à l’époque à mettre en relation avec la « non contemporanéité ».

Le fasciste d’aujourd’hui se désigne le plus souvent comme un démocrate qui ose dire des vérités dérangeantes. Ce sont de pures considérations de coûts qui le font agir contre les « facteurs de coûts » qu’au bistrot on appelle « fainéants » ou « parasites ».

Thomasz Konicz

Thomasz Konicz est un journaliste freelance. Son texte est sur son blog et dans le quotidien Neues Deutschland. Je remercie l’auteur d’en avoir autorisé la traduction et la publication.
Traduction Bernard Umbrecht

Notes du traducteur

[1] Ernst Bloch : Héritage de ce temps. Traduction Jean Lacoste. Payot Paris 1978

[2] Sociologue, auteur d’un livre commenté dans celui de Bloch : Les employés

[3] Que je traduirais plus volontiers par Colère et envie de rire

[4] Episode connu par le film : « on achève bien des chevaux » de Sydney Pollack d’après le roman d’Horace McCoy qui situe l’action en Californie. Chez Bloch, le spectacle se passe dans la salle des fêtes de Francfort et est produit par la Ross Amusement Co

[5] La poursuite absurde d’un but autodestructeur

[6] « Dans le capitalisme avancé, l’amusement est le prolongement du travail. Il est recherché par celui qui veut échapper au processus du travail automatisé pour être de nouveau en mesure de l’affronter. Mais l’automatisation a pris un tel pouvoir sur l’homme durant son temps libre, elle détermine si profondément la fabrication des produits servant au divertissement que cet homme ne peut plus appréhender autre chose que la copie, la reproduction du processus du travail lui-même » . In  Horkheimer et Adorno La production industrielle de biens culturels »

[7] « Tous ne sont pas présents dans le même temps présent. Ils n’y sont qu’extérieurement, parce qu’on peut les voir aujourd’hui. Mais ce n’est pas pour cela qu’ils vivent en même temps que les autres. Ils portent au contraire avec eux un passé qui s’immisce. L’époque d’un homme dépend de l’endroit où il se trouve en chair et en os et surtout de la classe à laquelle il appartient. Des temps plus anciens que ceux d’aujourd’hui continuent à vivre dans des couches plus anciennes. On retourne facilement, on rêve qu’on retourne, dans l’ancien temps » In Ernst Bloch Héritage de ce temps p 95

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Les Pirates, une classe révolutionnaire capitaliste en formation ?

 

Quatrième succès consécutif pour le Parti pirate aux élections de Rhénanie-Westphalie Nord. Comme à  chaque fois, autour de 8% des voix et des élus qui entrent dans les parlements. Dans le même temps, pour la deuxième fois consécutive, die Linke –l’équivalent du Front de gauche – en est évincé.
Un autre petit évènement mérité d’être signalé concernant les Pirates : l’adhésion de Anke Domscheit-Berg, une experte d’Internet du parti Vert, et de son mari, Daniel Domscheit-Berg, cofondateur et porte parole de Wikileaks avant de se fâcher avec Julian Assange. Cela promet quelques tensions chez les hacktivistes.

Les pirates sont-ils le fer de lance d’une nouvelle bourgeoisie, l’avant-garde d’une nouvelle classe capitaliste ?

Je présente ici à titre d’hypothèse cette analyse critique de Hans-Martin Lohmann parue dans la Frankfurter Rundschau du 9 mai 2012.
La plupart des critiques du Parti pirate sont traditionnelles même quand elles prennent en compte le rejet par l’électorat du « professionnalisme » des partis traditionnels  opposé à l’ « amateurisme » pirate, même quand elles admettent l’existence d’une crise de la représentation.
Le Parti pirate n’est pas ce que traditionnellement on appelle un parti protestataire.
L’un des malentendus porte sur la technique elle-même. Les hommes politiques croient résoudre le problème de leur retard technologique en abusant du twitter. Mais les Pirates sont ailleurs. D’où l’intérêt me semble-t-il du texte de Hans-Martin Lohmann. Il n’est pas le seul à évoquer en ces termes la mutation anthropologique en cours. D’autres, comme Katjia Kullmann, parlent aussi d’une creative class en formation. Pour elle, les Pirates sont d’abord « un parti économique » qui prépare l’avènement d’une nouvelle classe sociale révolutionnaire comme le fut en son temps la bourgeoisie.

Hans-Martin Lohmann est essayiste, ancien rédacteur en chef de la revue de psychanalyse Psyche. Il se réclame du marxisme et est un des spécialistes de l’œuvre de Freud.

Extraits :

« Il se présente un jeune parti qui a le vent en poupe et qui ne s’appelle « parti » que parce qu’il utilise les voies et les moyens des partis politiques traditionnels pour capter l’attention publique. En vérité, les Pirates ne sont pas un parti politique qui entre en concurrence avec les partis établis –CDU/CSU, SPD, FDP, Les Verts, Die Linke – mais un phénomène générationnel qu’on ne peut expliquer qu’à partir d’une transformation profonde de la société. La révolution numérique, qui ne fait que s’accélérer depuis quinze, vingt ans et qui bouleverse les modes de vie habituels,  a produit un nouveau phénotype social, on peut même dire un nouvel hominidé qui sous la forme de pirate réclame ses droits dans la « société de l’information ».
Chez ces ouvriers [= qui œuvrent] technophiles qui ont grandi avec les machines intelligentes et leurs juvéniles créateurs, nous rencontrons une espèce d’homme qui, certes, parle de démocratie à la base, de participation politique élargie mais qui, dans les faits, pense à tout à fait autre chose, à la reconnaissance de la place centrale  que doivent selon eux occuper les praticiens, les utilisateurs et les usagers de l’encore jeune force productive Internet. En termes marxistes, les Pirates se prononcent pour une transformation des rapports de production au profit de la force productive qui se montre apte à en rompre les limites.
C’est pourquoi on peut qualifier les Pirates de fer de lance nouvelle bourgeoisie révolutionnaire qui fait ce qu’il est devenu temps de faire. Historiquement, et ce n’est décrit nulle part plus emphatiquement que dans le Manifeste communiste, la bourgeoisie dans ses meilleures époques a toujours été précurseur aussi bien de l’invention technique que de l’accumulation renforcée du capital. C’est précisément cette double fonction que remplissent les Pirates. Leur membres et sympathisants plutôt jeunes pour la plupart sont, si l’apparence n’est pas trompeuse, en règle générale bien formés, dotés d’un capital de savoir conséquent, ouverts à tout ce qui est techniquement nouveau et faisable et situés aux intersections sociales du capital et de la numérisation là où se décide l’avenir de la société sur le plan économique, sociale et moral. Dans cette mesure, les Pirates sont une avant-garde capitaliste.(…)
Ils ne se présentent pas comme des figures de katecon, de la retenue, pour parler comme l’Apôtre Paul et son lointain disciple Carl Schmitt, mais comme celles, radicales, de l’accélération de ce qui de toute façon est en cours. Dans leur amour sans ambigüité pour le projet technique universel qui ne connaît ni honte ni autre limite, ils développent un imaginaire de faisabilité technologique qui a peu à voir avec la participation démocratique et la transparence mais beaucoup avec l’idée d’une grosse machine capitalistique guidée Quelles que soit leur phraséologie politique électorale, le noyau rationnel de leurs aspirations réside dans l’accélération en soi. En tant qu’avant-garde de mobilisation déterminée qui a reconnu les signes de l’ère numérique et qui pour cette raison s’oppose à l’inertie et aux lourdeurs sociales qui ont toujours été une épine dans le pied de la partie la plus progressiste du capital, ils placent en porte à faux tous ceux qui croient encore que tout peut continuer pour le mieux dans le meilleur des mondes analogiques. (…)»

Le texte original en allemand se trouve ici.

 

 

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Wolfgang Engler : Le calme apparent en Allemagne rappelle les dernières années de la RDA

Parmi les intellectuels allemands singuliers que je lis toujours avec grand intérêt se trouve le sociologue Wolfgang Engler.  Il est peu connu en France. Parmi ses particularités, il a celles d’être un connaisseur pertinent de l’ancienne Allemagne de l’Est et d’être le recteur de la célèbre École d’art dramatique Ernst Busch de Berlin. A ce titre il se bat actuellement pour que le Sénat de Berlin tienne ses engagements sur le financement du réaménagement de l’école. Il est l’auteur notamment de Les Allemands de l’Est comme avant-garde, de Citoyens, sans travail, de Mensonge comme principe, la sincérité dans le capitalisme.

J’ai traduit ci-dessous quelques extraits d’un récent entretien mis en ligne par la revue Theater der Zeit.

Sur le contrôle des affects et le salaire de la peur

« De l’Afrique du Nord à l’Amérique du Nord mais aussi au Sud de l’Europe, des processus sont à l’œuvre qui signalent un notable assouplissement de l’autodiscipline. Cela est certainement à mettre en relation avec le fait que les primes délivrées par le système pour un large contrôle des affects sont distribuées de manière de plus en plus parcimonieuse quand elles le sont. Les jeunes gens précisément semblent avoir rompu avec la forme dominante actuelle du capitalisme et ne plus être disposés à accepter les règles du jeu établies. Quand on vit dans des États où le chômage des jeunes atteint jusqu’à 40% et que malgré tous les efforts, on ne trouve pas de place dans la société, pourquoi devrait-on rester calme ? En Allemagne sur ce plan là la situation est meilleure mais les zones d’irritation qui invitent expressément à l’affaiblissement de la soumission intérieure il en existe suffisamment chez nous. En attendant, des gouvernements sont démis ou installés par ce que l’on appelle les marchés et les nouveaux venus aux affaires s’empressent de décréter des réductions drastiques dans les dépenses publiques. Plus blessante encore que ces mesures est la façon dont le politique rampe et cela n’est pas sans conséquence, y compris en Allemagne. Le calme civil ici me rappelle les dernières années de la RDA, cette grotesque simulation d’une île des bienheureux au milieu d’une mer démontée. Nous savons ce qu’il en advint. On ne peut cependant pas prévoir la suite dans les pays où les protestations sont massives. Ce que nous voyons ce sont des gens prêts à aller jusqu’au bout pour obtenir la liberté telle qu’ils la conçoivent. . L’action collective imprègne les corps et les tend, nous voyons des scènes pathétiques des gestes héroïques et nous sentons que l’ironie qui nous fait en plaisanter n’est solide qu’en apparence et intérieurement creuse »

L’engloutissement, après la lente érosion de ses fondements, de l’ « île des bienheureux » dont parle Wolfgang Engler est le thème du grand roman  d’Uwe Tellkamp, La tour dont j’ai fait une présentation dans le Monde diplomatique de ce mois. Le succès du livre pourrait bien tenir précisément au fait que les lecteurs pressentent qu’il  parle de leur situation à eux autant que de celle révolue de la RDA. Ce n’est pas un roman historique.

Revenons à Wolfgang Engler. Pour le sociologue allemand on peut observer une certaine civilité des forces dites de l’ordre qui tranche avec l’incivilité du capitalisme.

Sur l’absurde mise en scène théâtrale des sommets censés faire croire que les politiques domptent la finance

Wolfgang Engler : « Nous observons un retrait du politique, une délégation des décisions importantes à des instances sans légitimation démocratique  qui répondent exclusivement aux votes des « marchés ». Pour masquer ce déficit, les gouvernants organisent un absurde théâtre de la tromperie sur la capacité et la compétence d’agir. Ce cirque ambulant met en scène de l’activisme et masque en même temps le point décisif : l’obstination avec laquelle les gouvernants refusent de  s’attaquer aux diktats de l’économie. Nous vivons au milieu d’une domination à peine encore masquée d’une minorité sur la majorité et bien des choses indiquent que cette forme de dictature seule une majorité peut y mettre fin selon la devise de Büchner : où règne la violence, seule la violence peut aider. Aussi peu souhaitable que puisse être pour moi cette issue, je n’y vois pas d’alternative ».

L’interviewer Holger Teschke introduit à cet endroit une citation de Brecht extraire de son Journal de travail

Les dictatures masquent toujours le caractère économique de la violence et les démocraties masquent toujours le caractère violent de l’économie. Bert Brecht

Wolfgang Engler : «  Exact. Mais entre temps, il s’est répandu l’idée que l’action individuelle d’un État n’est d’aucun secours. La concurrence à laquelle se livrent les États pour s’attirer les faveurs des capitaux à la recherche de placements est l’une des principales raisons de la soumission du politique à de soi-disantes contraintes inéluctables. Une politique coordonnée est indispensable mais elle ne modifiera en rien le statu quo aussi longtemps que la pensée unique néolibérale sévira chez les gouvernants. Des contrepropositions existent depuis longtemps, certaines modérées comme la taxe sur les transactions financières, d’autres plus énergiques en visant la suppression des produits  financiers particulièrement indécents,  enfin celles plus radicales en ce sens qu’elles ont pour but la fermeture immédiate de la grande salle de jeu. L’idée d’un revenu de base sans condition pour tous entre dans ce cadre car son introduction verrouillerait le processus de marchandisation de la vie. (…) »

Sur le discours de la confiance des marchés, le sommet de la bêtise, Brecht encore

Wolfgang Engler : «(…) Le discours sur les marchés et leur jugement en apparence sans appel concernant les décisions politiques n’est que de l’idéologie la plus pénétrante. Elle suppose l’existence d’une loyauté, d’une transparence et d’une égalité des chances [entre les acteurs du marché. BU], c’est-à-dire exactement de contraire de ce qui caractérise le capital financier global. Ses acteurs se méfient les uns des autres et de leur voracité de rapaces  premièrement parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font, deuxièmement parce qu’ils se transfèrent les uns aux autres les risques de ce non-savoir dans l’espoir de s’en sortir jusqu’au prochain krach. Cela n’a plus rien à voir avec l’idée tranquille jamais pleinement réalisée de marchés libres. Le sommet de l’obscurcissement et de la bêtise est atteint par ces politiques qui font de la dette publique la raison principale de la crise et qui réclament en conséquence une action énergique c’est-à-dire la rigueur pour retrouver la confiance des marchés. La chancelière allemande est passée championne dans le maniement de cette logique. On ne peut que penser à la réaction railleuse de Brecht à l’appel du secrétaire de l’Union des écrivains  qui, après le 17 juin 1953 [soulèvement ouvrier à Berlin Est] qui avait réclamé des ouvriers qu’ils regagnent la confiance perdue du gouvernement en redoublant d’efforts dans le travail. On devrait répondre avec Brecht : ne vaudrait-il pas mieux que les marchés dissolvent les États et leurs populations et s’en élisent de nouvelles ».

Sur les capacités du  nouveau Parti des pirates qui pour la troisième fois consécutive fait son entrée dans un parlement régional.

Wolfgang Engler : « Je pense que cette forme de politique [participation et démocratie directe par Internet] modifiera et modifie déjà la discussion. Le public intéressé par la politique se détourne des interprétations de l’élite médiatique au profit des forums d’échange qu’ils trouvent sur le Net. Si on observe de plus prêt ces forums de discussion, on est frappé par une étonnante capacité à argumenter et par une remarquable connaissance des faits. Ces discours horizontaux renforcent la capacité de jugement de la société et la capacité critique contre les porte-paroles traditionnels de la politique et des médias »

Extraits d’une interview dont l’intégralité a été rendue publique sur le site Internet de la revue Theater der Zeit. Elle fait partie d’un livre d’entretiens et d’écrits sur le théâtre et la société paru chez le même éditeur en avril 2012

 

 

 

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Volontariat pour chacun et Allianz pour tous : l’ironie européenne d’Ulrich Beck et Daniel Cohn-Bendit

Ulrich Beck et Daniel Cohn Bendit ont lancé un appel  dont le but est de

« démocratiser les démocraties nationales afin de reconstruire l’Europe sur la base de ce cri de ralliement : « Ne demandez pas ce que l’Europe peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l’Europe – Faites l’Europe! ». »

« Démocratiser les démocraties nationales » en les contournant par l’Europe. Est-ce que j’ai bien compris ?

« Nous demandons donc à la Commission Européenne et aux gouvernements nationaux, au Parlement Européen, ainsi qu’aux Parlements nationaux de créer une Europe « de citoyens activement employés », mais aussi de mettre à disposition les conditions financières et juridiques pour l’établissement d’une « Année Européenne de volontariat pour chacun », en tant que contremodèle à l’approche « top-down » qui prévaut actuellement en Europe, une Europe des élites et des technocrates ».

L’appel se termine par ces mots :

« L’Europe, c’est également l’ironie, c’est être capable de rire de soi-même. Il n’y a pas de meilleur moyen de parvenir à une Europe pleine de vie et de joie qu’à travers le rassemblement de citoyens européens ordinaires agissant de leur propre chef. »

Le texte du manifeste est ici

Alors ironie pour ironie : Un volontariat pour chacun et Allianz pour tous ?

La signature occultée dans l’information parue en France alors qu’elle est largement présente dans le presse allemande est celle de la Fondation pour la culture de la compagnie d’assurances Allianz, la société d’assurances qui a acquit 100% d’AGF en 2007, propriétaire de la Dresdner Bank qu’elle a cédé en 2008 quand ça  commencé à sentir le roussi. Cette « ONG »  sert en effet de soutien logistique à l’opération lancée par nos deux compères.

Alors ironie pour ironie : voici celle de la Frankfurter Allgemeine Zeitung

« Le manifeste aurait fait preuve de plus de sens des réalités si au lieu d’un appel quelque peu balourd à la participation et  au retroussage de manche en misant sur l’argent de l’économie en général elle avait parmi les terrains d’activité énuméré un certain nombre de banques qui n’attendent que l’occasion d’employer pendant un an ces volontaires ».
FAZ du 3 mai 2012

Alors ironie pour ironie : Peut-on imaginer refonder l’Europe sous l’égide des institutions financières qui en ruinent la démocratie ?

 

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