Mystère CHAT à Berlin

Merci à Kristin Schulz pour ce témoignage de la présence éphémère de M. CHAT – prononcez Mystère CHAT- à Berlin en automne dernier. Très précisément à la station de métro aérien Baumschulenweg. Las, entre temps, les panneaux ont été démontés mais le graphisme préservé par la grâce du virtuel. Je l’avais quant à moi « capturé »–photographiquement s’entend – de ce côté-ci du Rhin, à la gare de Chaumont, (Chat-mont). C’était en 2007. Aux dernières nouvelles, il y est toujours. A l’époque, on le remarquera,  n’avait pas encore ses petites ailes. Qui sait où elles le mèneront encore ?

Nous sommes heureux de pouvoir compter M. CHAT parmi les saute Rhin. Les sourires des chats constituent, selon leur créateur Thoma Vuille, un réseau d’optimisme international. Dans son film Chats perchés (2004), Chris Marker se livre à une sorte de jeu de piste sur les murs et les toits de Paris à la recherche du matou facétieux en même temps qu’il tient une chronique sur les évènement qui nous conduisent de la campagne présidentielle française de 2002 au débat sur le voile islamique, en passant par la guerre en Irak, la crise des intermittents du spectacle ou les « raffarinades ».

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Sur les traces du vrai Docteur FAUST

Avant d’être un grand mythe, le Docteur FAUST était un personnage bien réel.


Non loin de Karlsruhe, en Allemagne, dans la petite ville de Knittlingen, le Dr Faust est présent à tous les coins de rue :

la pharmacie s’appelle Faust,  la machine à sous au restaurant Danse des sorcières et la pâtisserie Café hors du temps. La statue trône devant l’Hôtel de ville. Il y a son musée.

 

 

 

 

Et sa maison natale.

 

 

 

Le vrai docteur FAUST serait né ici, dans cette maison, peut-être en 1480.

 

 

Il y a encore bien des peut-être, beaucoup de conditionnels. Mais, peu importe finalement.

Il est sûr qu’un Faust a bel et bien existé. Peut-être même étaient-ils plusieurs. Il était astrologue, la science de son époque. Il s’adonnait à la magie. Il était ce que l’on appellerait aujourd’hui, un marginal, un original. En langue allemande, on dit de ce genre de personnage qu’il pense de travers, c’est-à-dire hors des sentiers battus. Il était en outre un vagabond, ce qui à l’époque n’était pas connoté négativement. Il ne vient pas d’un sombre moyen-âge mais du début de la modernité. Il a en tous les cas vécu dans une période de bouleversements, celle de Christophe, Colomb, Léonard de Vinci, Copernic, Martin Luther, de la Guerre des paysans en Allemagne (1525) , Rabelais, Paracelse, autre alchimiste, une période où, comme dirait Shakespeare, le temps est hors de ses gonds, où les idées neuves sont forcément une invention du diable, où les clercs perdent leur pouvoir avec l’apparition de l’imprimerie, cette autre “magie noire”. Un des compagnons de Gutenberg s’appelait d’ailleurs Faust. L’Eglise acceptait la magie blanche, divine, et condamnait la magie noire. Knittlingen son probable lieu de naissance était à l’époque déjà sur un axe de passage Nord Sud, entre l’Italie et les Pays Bas.

Il est frappant de constater avec quelle rapidité, très tôt le Dr FAUST est devenu un personnage littéraire. Son nom sonnait comme un avertissement et servait à l’édification des foules. La célèbre Historia von D. Johann Fausten parue en 1587 puis la diffusion dans les foires et sur les marchés du FAUST de Christopher Marlowe, en théâtre de marionnettes, contribuèrent à forger une légende populaire connue de Goethe qui écrira trois Faust de (Urfaust, Faust I et Faust II) en leur donnant une dimension incomparable.

Plusieurs témoignages contradictoires évoquent sa mort. Dans l’Historia, Faust passe la nuit fatidique avec des étudiants à Rimlich près de Wittenberg, la ville de Martin Luther. Ces derniers après avoir entendu la confession de Faust sur son pacte avec le diable partent se coucher. Après minuit, une violente tempête secoue la maison. Au lendemain d’une nuit d’enfer, les étudiants trouvent les murs maculés de cervelle et le corps de Faust sur le fumier.

Dans la chronique zimmernienne (i.e celle du Comte de Zimmern), connue en Forêt noire,  il serait mort une centaine de kilomètres plus au sud de son lieu de naissance, à Staufen, dans l’auberge zum Löwen . Son corps a été “ horriblement défiguré” au cours d’une explosion pendant une expérience d’alchimie. On en avait conclu conformément à l’air du temps que le diable en personne avait pris possession de son âme. Ne le considérait-il pas comme son cousin ? L’inscription sur la façade de l’hôtel précise que ces évènements sont intervenus au terme de la période de 24 ans que couvrait le pacte avec le Diable

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Le tape-cul de l’unité allemande

La décision avait été prise en 2007 par le Bundestag (l’Assemblée nationale allemande) d’édifier un monument célébrant la liberté et l’unité, après la chute du Mur de Berlin. Le premier concours qui avait réuni 533 projets avait été un fiasco en 2009. A l’automne 2010, après examen de 386 projets, il n’en resta que trois en lice. Finalement, la commission culturelle du Bundestag, après avoir fait refaire la copie, a fait un choix. Ce sera le projet “Citoyens en mouvement”proposé par le  cabinet d’architectes Johannes Milla de Stuttgart, spécialisé dans la communication spatiale de marque, en  association avec la chorégraphe Sasha Waltz.

Ce monument, une coupe d’une cinquantaine de mètres de long, sera installé sur le socle de la statue équestre de Guillaume 1er. Gravement endommagée lors des bombardements de la seconde guerre mondiale, elle fut  entièrement détruite par la République démocratique allemande ainsi que le château des Hohenzollern qui se situait derrière et dont on projette de restaurer la façade. Au vu de l’histoire de ce lieu, Karl Liebknecht y a proclamé la République en 1918, il devient intéressant de considérer le projet de monument par sa forme comme le symbole d’une parenthèse qui se referme sur le 20ème siècle. Et l’on sautera sur cette place directement du 19ème siècle prussien dans un parc d’attraction du 21ème siècle.

Outre son emplacement discutable, cette coupe de verre et de métal a deux autres caractéristiques : on peut s’y promener et s’y balancer. Le principe est celui du tape-cul. C’est ainsi que l’on nomme les balançoires à bascule que l’on trouve sur les aires de jeux pour enfants. Quand la bascule touche terre, on se cogne le derrière. Bien des enfants pourraient témoigner de ce qu’elle peut avoir de cruel, quand un enfant plus lourd en laisse un plus léger en haut en lui disant : “on te laissera mourir de faim, tralalère !” Dans ce cas précis, il faudra se regrouper à plusieurs pour faire bouger le monument, car il est censé montrer “comment des hommes en mouvement peuvent changer le monde”(Sacha Waltz), d’où le titre de l’œuvre : Citoyens en mouvement. Tant de (fausse) naïveté est presque émouvant. N’y a-t-il pas meilleur symbole d’un processus de transformation et de démocratie participative que la référence à une aire de jeux pour enfants ?

A moins que la bascule n’évoque le passage d’une réalité indésirable à une autre plus conforme comme c’est le cas pour l’inscription. Celle-ci  sera constituée de deux phrases : “Nous sommes un peuple”, et « Nous sommes le peuple”. Nous sommes un peuple, ce slogan n’appartient vraiment qu’aux allemands de l’Est. Ceux de l’Ouest n’en avaient rien à faire. En 1989, quand les manifestants sur qui planait l’ombre de Tian’anmen criaient nous sommes un peuple, ils s’adressaient non pas aux allemands de l’ouest comme on a essayé de le faire croire par la suite mais aux policiers qui encadraient la manifestation à qui ils scandaient que manifestants et policiers formaient un même peuple. Cette réalité-là, on s’emploie à l’effacer depuis et le monument participe de cette fantastique manipulation. Il s’agissait de transformer un mouvement de réforme de la République démocratique allemande en mouvement d’effacement de la RDA.

Certains commentateurs comme Ingo Arend de la Tageszeitung pense que la banalité même du choix d’un “mobilier identitaire”, qui semble avoir  été fait dans un catalogue de d’objets de décoration intérieure,  a quelque chose de rassurant. Je n’en suis pas sûr dans la mesure où j’ai le sentiment que ce monument pourrait préfigurer l’avènement d’une démocratie infantile à une époque où les villes, les régions et les nations deviennent des marques, les centres-villes et les capitales des parcs d’attraction.

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Le Rhin, ce grand « pressoir » de l’Europe

Il y avait un centurion romain, un noiraud, il était brun comme une olive mûre et apprenait le latin à une blonde jeune fille. C’est, du point de vue du Général du Diable, le début de la longue lignée du lieutenant Hartman qui a quelques problèmes avec la pureté de ses origines en raison des écarts supposés d’une des ses arrières grand-mères. Dans la scène extraite de la pièce (et scénario de film) de Carl Zuckmayer des Teufels General, le général d’aviation Harras, lui explique ce que signifie être d’une famille originaire des bords du Rhin, pressoir de l’Europe. Le texte date de 1945.

Mosaïque de Dyonisos, Musée romain germanique de Cologne

 

 

 

“Du Rhin, en plus, du Rhin ! La grande brasserie des peuples, le pressoir de l’Europe. Vous n’imaginez pas tout ce qui a pu arriver au sein d’une famille aussi ancienne que la vôtre, surtout si elle vient du Rhin.

Imaginez un peu à quoi peut ressembler votre galerie d’ancêtres depuis la naissance du Christ.

Il y avait un centurion romain, un noiraud, il était brun comme une olive mûre et apprenait le latin à une blonde jeune fille. Puis un épicier juif s’est mêlé à la famille, un gars sérieux. Il s’est converti au christianisme avant le mariage et a fondé la tradition catholique de la maison. Puis s’est ajouté un médecin grec ou un légionnaire celte, un lansquenet grison, un cavalier suédois, un soldat de Napoléon, un cosaque déserteur, un flotteur de Forêt Noire, un apprenti meunier en vadrouille, un gros batelier de Hollande, un magyar, un pandour, un officier viennois, un comédien français, un musicien de Bohème.

Tout ce beau monde vivait aux bords du Rhin, s’y chamaillait, y buvait, y chantait, et …y faisait des enfants.

Et le …, le Goethe, lui aussi, sortait de la même marmite Et le Beethoven, et le Gutenberg, et le Mathias Grünewald, et le… et… Tu n’as qu’à consulter le dictionnaire.

C’étaient les meilleurs, mon cher ! Les meilleurs du monde. Et pourquoi ?Parce que tous les peuples s’y sont mélangés. Mélangés, comme l’eau des sources et des ruisseaux et des rivières, pour confluer en un grand fleuve vivant. Du Rhin,  cela signifie de l’Occident. C’est de la noblesse naturelle. La voilà, la race. Soyez-en fier, Hartmann, et jetez aux chiottes les papiers de votre grand-mère. Santé !”

Extrait de Des Teufels General (Le général du Diable) de Carl Zuckmayer

 

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Peter Sloterdijk et “ l’éclair évènementiel ” de Fukushima

La "une" de l'hebdomadaire "Die Zeit"

Le climat intellectuel qui s’est installé en Allemagne est on ne peu plus favorable à un tournant majeur dans la politique énergétique. Ce n’est pas gagné bien sûr. La bataille sera rude. Dans ce cadre, un épisode juridique sera intéressant à suivre. Sur plainte du groupe énergétique RWE contre la suspension d’activité d’un certain nombre de centrales, un tribunal aura à dire si le droit des actionnaires peut primer sur la gestion collective des risques autrement dit si en matière nucléaire, on pourra continuer à privatiser les profits et nationaliser les pertes  L’onde de choc de Fukushima rencontre un terrain favorable. Le mouvement anti-nucléaire s’était réveillé avant la catastrophe.  L’Allemagne s’était déjà prononcé pour la sortie du nucléaire, consensus qu’Angela Merckel a voulu rompre avant de refaire marche arrière. L’Allemagne se repeint en vert. La nuance kaki est réservée aux bulles de Bernard Henry Lévy. Le sociologue Ulrich Beck dont nous avons déjà évoqué les interventions dans les médias sur cet “évènement cosmopolitique” par excellence enfonce le clou dans le quotidien Tageszeitung en élargissant son propos aux liens entre nucléaire, politique et démocratie. De son côté, le philosophe Peter Sloterdijk annonce la fin du feu nucléaire. Il inscrit la catastrophe japonaise dans un de ces moments de rupture qui ont jalonné l’histoire de l’Humanité, qu’il nomme éclair (Blitz) évènementiel. Continuer la lecture

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Pour Ulrich Beck, l’industrie nucléaire fait de la planète un laboratoire

Le tremblement de terre de Kanto de 1923 vu par le caricaturiste Rakuten Kitazawa, qui passe pour le précurseur du manga japonais. Via Le dessin suggère déjà que la catastrophe n’est plus si naturelle que cela.
“La notion de catastrophe naturelle est fausse. La nature ne connaît pas de catastrophe. Un tsunami ou un tremblement de terre ne deviennent catastrophes qu’à l’horizon de la civilisation humaine” U. Beck

L’énergie nucléaire est une expérimentation qui se déroule à l’échelle mondiale. Ses conséquences sont planétaires. 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl et 25 ans après la publication du livre qui l’a rendu célèbre, La société du risque, paru en Allemagne (1) peu avant la catastrophe, Ulrich Beck, qui n’a cessé de plaider pour une politique intérieure mondiale, analyse pour les médias allemands ce qui s’est passé à Fukushima. En regroupant l’article qu’il a lui-même écrit et les entretiens dans la presse écrite et à la radio se dégage la question centrale de savoir comment prendre en compte l’imprévisible. En élargissant son thème, il aborde d’autres sujets comme la façon dont la mondialisation organise l’irresponsabilité.
“L’énergie nucléaire a transformé le monde en laboratoire. Les résultats des analyses sont présents globalement, accessibles à tous. Il faudra en prendre connaissance quel que soit le contexte culturel dans tous les pays du monde. [..] On ne pourra pas considérer ce qui s’est passé au Japon comme un malheur exclusivement et spécifiquement japonais. Certes, on identifiera comme cause le tremblement de terre et la tectonique des plaques. Mais les narrations sécuritaires devront être modifiées. Pour le moment, les questions de sécurité sont appréhendées de manière strictement technique. Les procédures d’agrément sont exclusivement techniques. Nous assistons à l’effondrement d’une telle conception (philosophie) de la sécurité […] ».Frankfurter Rundschau (13 mars 2011)
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Article 1


Le dandy du Far West Poor lonesome cow-boy s’engage dans la traversée du désert avec pour horizon la Porte de Brandebourg de Berlin.
On se pose toujours la question du premier article.
Que pouvais-je rêver de mieux pour inaugurer ce site ?
Ce n’est pas un dessin de Morris mais de Achdé qui l’a réalisé pour le quotidien Der Tagespiegel à l’occasion de la présentation à Berlin de l’édition allemande de Lucky Luke contre Pinkerton dont le scénario est dû à Daniel Pennac, Tonino Benacquista.

Le titre que je lui ai donné se veut aussi comme un article premier d’un cahier des charges virtuel à usage de contrainte personnelle.

Puisque nous en sommes aux présentations et que l’on n’y reviendra plus, je signale que la photographie de l’entête représente la passerelle pour piétons et cyclistes qui traversent le Rhin vers l’Allemagne à Huningue. Sur la droite se trouve la ville de Bâle.

A bientôt pour la suite.

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