Cette citation du philosophe allemand extraite de Héritage de ce temps évoqué dans le précédent article et écrit dans les années 1930 :
« Il arrive encore souvent que les petites gens se lèvent de table rassasiés. Ils y arrivent parfois, tout au plus, et difficilement. Mais celui qui touche un maigre salaire n’échappe jamais au calcul et il fait rarement des bonds. Or il est remarquable qu’il trouve la vie limitée non seulement convenable mais juste, qu’il n’accorde pas à la classe qui est au-dessous de lui le beurre sur la tartine; et les supérieurs sont doublement reconnus lorsqu’ils épargnent. Le mendiant n’a pas le droit d’aller au-delà des pfennigs; la mesure de menue monnaie qui lui convient est chiche et surtout elle n’est que pour le pain. Le généreux donateur souffre lorsque des enfants pauvres s’achètent pour un sou de bonbons, malheur donc au mendiant qui boit une obole qui ne peut soulager aucune misère. Car l’aumône exige que celui qui la reçoit soit encore plus modeste qu’elle-même. »
Ernst Bloch : Héritage de ce temps. Payot Paris 1978 page 18