Vent contraire pour les pirates

Depuis leur émergence et leur succès à Berlin, nous nous sommes intéressés au phénomène du Parti pirate qui a fait son entrée dans quatre parlements de länders, quelques années à peine après sa création. D’autant que se posait la question de savoir si ce parti né en 2006 dans l’underground berlinois ira jusqu’à conquérir le rôle de faiseur de roi aux prochaines élections législatives fédérales de septembre 2013. Et surtout qu’il s’efforçait non sans mal de poser des questions nouvelles liées à la révolution du numérique.

Faut-il pour autant après ce qui est incontestablement un échec aux élections régionales de Basse Saxe, d’hier, prononcer comme le font non sans joie certains commentateurs leur oraison funèbre sur l’air de « merci de nous avoir si bien distraits »?

On peut toujours dire que, dans le fond, ils sont passés de 0 à 2,1%. Mais ils étaient, il y a quelques mois, crédités de 9 %, voire plus à l’échelle fédérale.

Le contexte particulier de Basse-Saxe et le statut de test de cette élection ont joué aussi dans la mesure où une partie des électeurs a déserté, comme pour die Linke, en faveur d’un vote utile destiné à chasser l’actuelle coalition CDU-FDP au pouvoir à Hanovre.

Elle l’a été de justesse, une voix d’écart, malgré les efforts du  parti de Madame Merkel  pour mettre son allié libéral sous perfusion et malgré le poids négatif du candidat SPD à la chancellerie.

Le contexte n’est pas seulement celui de la politique allemande établie.

Il est aussi celui d’un climat de reflux sur toutes les questions d’avenir. Que l’on pense, par exemple par la mort d’Aaron Swartz qui est certainement liée à son hacktivisme en faveur du domaine public ou, pour prendre un autre exemple en France, l’attaque contre le domaine public français avec le projet de numérisation de la BnF.

Or la question du partage à l’ère numérique est bien sûr un thème de prédilection du Parti pirate même si cela ne suffit pas et qu’il lui faut d’autres contenus. C’est là d’ailleurs que le bât blesse.

Tous ces éléments conjoncturels ne suffisent pas, en effet,  à expliquer l’échec du Parti pirate qui ces derniers mois a quelque peu oublié qui il était et a connu une phase de régression. Comme le fait observer Jochen Ebmeier, le succès de Berlin contenait une peau de banane : « ils ont d’abord mis le doigt sur le nerf du temps, puis sont devenus un parti protestataire qui est monté comme une fusée de la Saint Sylvestre avant de s’éteindre aussi vite. Il est temps que le parti protestataire reçoive un avertissement ».

Mieux vaut qu’il atteigne le fond maintenant, cela lui laissera le temps de se reprendre.

Klaus Peukert note pour sa part aussi que les pirates, propulsés dans la cour des grands, ont oublié que cela signifiait la fin de la récréation. « Nous nous sommes comportés comme les nouveaux héros de la politique en oubliant nos responsabilités ».

Veulent-ils vraiment des responsabilités ?

L’avenir nous dira s’ils réussiront à reprendre le bon sens du vent ou s’ils couleront corps et biens. Rien que le nombre de jeunes non-électeurs pourrait suffire pour leur faire franchir la barre des 5% peut-on lire sur Heise online.

Mais quel que soit le destin du Parti pirate, qui dispose de quelque 150 élus, les questions auxquelles il tente de répondre resteront.

Voir aussi nos précédents articles ici, ici et .

 

 

 

 

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