Wolfgang Streeck, sociologue, directeur de l’Institut des sciences sociales Max-Planck à Cologne s’explique, dans un entretien à l’hebdomadaire die Zeit, sur la notion de keynésianisme privé qui consiste dans un transfert de l’endettement des Etats vers l’endettement privé ainsi que sur la prise en charge par eux-mêmes des risques imposés aux individus :
« La réduction des dépenses publiques a été compensée par des possibilités d’endettement sans précédent accordées aux individus et aux entreprises. En pratique, les dettes publiques ont été remplacées par les dettes privées. Ce n’est pas l’Etat qui a levé des crédits pour la formation ou la création d’espaces habitables mais les citoyens ont été encouragés, de fait, ont été contraints de le faire eux-mêmes à leur propre risque. Cette stratégie de résolution des conflits n’a fait pendant un temps que des gagnants. Les riches ont ainsi évité des impôts plus élevés et ils sont devenus plus riches tandis que les pauvres pouvaient acheter des maisons que dans le fond ils ne pouvaient pas s’offrir mais qui ont servi de compensation pour la réduction du montant des retraites, de garantie pour les prêts à la consommation et pour se consoler de la stagnation des salaires réels. Jusqu’au crash de 2008…. »
Plus loin il ajoute :
« Le contrôle politique des marchés mondiaux du travail, du capital, des services n’a cessé de s’affaiblir ces trente dernières années. Les gens ont à assumer eux-mêmes de plus en plus de risques. Alors que la pression des transformations économiques et technologiques sur les conditions de vie continue de s’accroître, les capacités d’imposition de ceux qui gagnent bien ou mieux reculent et les marchés des capitaux apparaissent à côté des peuples comme un souverain toujours plus puissant ».
Lien vers l’interview : http://www.zeit.de/politik/2011-12/streeck-europa-depression
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